Face à la complexification de la paie, les petites et moyennes entreprises sont de plus en nombreuses à confier cette tâche sensible à leur cabinet d'expertise comptable. Ce mouvement d'externalisation de la paie, qui n'a cessé de s'accélérer depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les 35 heures en 2000, pose pourtant un problème aigu aux cabinets : la pénurie chronique de collaborateurs paie.
« Il suffit de regarder un bulletin de salaire pour constater que les rémunérations sont de moins en moins simples. Les TPE et les PME ont compris qu'elles économisent du temps et de l'énergie en externalisant leur paie », souligne Romain Werlen, Directeur Senior de la Division Audit, Conseil & Expertise de Page Personnel. « Pour répondre à cette demande, les cabinets d'expertise comptable ont presque tous constitué des pôles Paie. Mais ils peinent à recruter des collaborateurs paie, d'une part parce que le métier s'est spécialisé et, d'autre part, parce que les trop rares professionnels ayant l'expérience et les compétences requises ne souhaitent pas forcément travailler au sein d'un cabinet d'expertise comptable.
Un métier de plus en plus complet
Au sein d'un cabinet, le collaborateur paie prend en charge la gestion intégrale de la paie d'un groupe de clients, la norme étant de gérer entre 15 et 20 dossiers clients, soit de 300 à 400 paies individuelles par mois. Sa mission ne se limite pas, on s'en doute, à éditer les bulletins de paie des salariés. Il collecte chaque mois les éléments de rémunération auprès de chaque client (congés, heures supplémentaires, part variable, entrées et sorties...), répercute les évolutions juridiques et les dispositions de la convention collective applicable, effectue les déclarations de charges sociales, prépare les soldes de tout compte... Le métier, de fait, touche à la fois au droit du travail, aux ressources humaines et à la comptabilité.
Le rôle du collaborateur Paie est apparemment le même que celui d'un responsable paie interne - à ceci près que ses interlocuteurs sont multiples, que les processus de collecte d'information diffèrent d'une entreprise à l'autre et que les clients relèvent rarement tous de la même convention collective. Cet aspect multi-conventions est un des facteurs de complexité de l'exercice de ce métier en cabinet.
La contrepartie est d'être en contact avec les problématiques d'entreprises de tailles et de secteurs différents, et d'apporter une forte valeur ajoutée à ces clients en les aidant à optimiser leur masse salariale, notamment grâce à la connaissance des aides publiques et des possibilités d'allègement ou d'exonérations de charges sociales. La veille juridique et le conseil sont pour cette raison deux dimensions importantes de ces postes.
Manque de formations dédiées
Dans les formations initiales comptables et les formations RH, la paie n'occupe qu'une petite partie des cursus. « Il n'existe pratiquement pas de formation dédiée à la paie, à l'exception de formations qualifiantes mais non-diplômantes de technicien comptable spécialisé Paie comme celle proposée par l'IFOCOP », explique Stéphanie Bouthors, Manager Exécutif Senior chez Page Personnel Audit, Conseil & Expertise. « Or, les cabinets veulent des spécialistes rapidement opérationnels. Par culture, ils se tournent plutôt vers des personnes ayant déjà une première expérience au sein d'un cabinet, ce qui restreint encore le spectre de candidats. »
Si les cabinets privilégient les candidats ayant une formation comptable (BTS Comptabilité-Gestion, DCG, DUT GEA) et 3-4 ans d'expérience en multi-conventions, la pénurie de candidats les pousse, d'une part, à s'ouvrir aux profils RH et, d'autre part, à investir dans la formation de collaborateurs moins expérimentés pour « créer » les spécialistes qu'ils ne trouvent pas sur le marché.
Au-delà des compétences techniques indispensables, les cabinets sont de plus en plus attentifs aux aptitudes relationnelles des candidats dans la mesure où le collaborateur, est amené à manipuler des informations confidentielles et à gérer des erreurs auxquelles les salariés sont extrêmement sensibles. Les personnes alliant rigueur, curiosité, esprit de service et sens de la confidentialité à un bon relationnel sont à ce titre très appréciées.
Rémunération : une tendance à la revalorisation
Une des conséquences de la pénurie de candidats est la prise de conscience par les cabinets d'expertise comptable de la nécessité de revaloriser les rémunérations proposées aux collaborateurs Paie. Autour de 30 K€/an pour un professionnel ayant 3-4 ans d'expérience, celles-ci sont encore inférieures de 10% à la rémunération moyenne proposée en entreprise mais l'écart tend à se réduire.
De même, cherchant à fidéliser ces collaborateurs « rares » les cabinets sont plus attentifs aux évolutions de carrière qu'ils peuvent leur proposer. Si l'évolution la plus naturelle pour les profils comptables est l'encadrement d'une équipe de collaborateurs paie, la possibilité de prendre un poste de comptable général ou spécialisé reste généralement ouverte. De leur côté, les profils RH peuvent s'appuyer sur leur expérience en paye pour évoluer vers d'autres fonctions RH.
Identifier les secteurs porteurs et d'avenir qui recrutent