Présente dans tous les secteurs d'activité, l'ingénierie est un pourvoyeur d'emplois majeur en France. Selon deux études - le diagnostic de formation France Ingénierie 2030 et l'étude OPIIEC sur l'évolution des métiers de l'ingénierie de construction et d'aménagement - [1] révélées par Syntec-Ingénierie, les entreprises de la profession devraient créer 80 000 nouveaux emplois d'ici 2030 : 20 000 dans le secteur de la construction et 60 000 dans l'industrie. Si ces emplois doivent directement servir à mener à bien les grandes transitions (écologique et énergétique d'une part, et numérique de l'autre), ils risquent néanmoins de ne pas trouver preneurs. Faute de professionnels formés, 20% des postes sont susceptibles de rester vacants. Syntec-Ingénierie propose un plan d'actions concret et appelle les pouvoirs publics à réagir de toute urgence pour ne pas rater les virages de la décarbonation et de la réindustrialisation.
Michel Kahan, président de Syntec-Ingénierie
« Notre monde est confronté à de profonds bouleversements, nous le savons tous. Ce qui est moins connu, c'est que l'ingénierie joue un rôle déterminant pour accélérer les grandes transitions. Le propre de notre profession, le cœur de notre mission, est en effet d'imaginer des solutions concrètes et opérationnelles pour décarboner l'industrie, éco-concevoir les bâtiment et infrastructures, réaliser des plans climat, déployer de nouvelles énergies, etc. Les défis sont nombreux et nous nous sommes dotés en janvier 2024 d'une feuille de route pour les relever. Bien sûr, rien ne se fera sans talent, sans matière grise et il est absolument vital que nous augmentions au plus vite le nombre de professionnelles et professionnels formés. »
L'ingénierie prévoit de créer 80 000 nouveaux postes pour répondre aux besoins en compétences des grandes transitions
En France, l'ingénierie compte 80 000 entreprises réparties sur tout le territoire et qui emploient 315 000 collaborateurs et collaboratrices. Ces entreprises de prestations intellectuelles interviennent en complément d'expertise des industriels et au service des donneurs d'ordres publics tout au long du cycle de vie des produits et projets (usines, gares, bâtiments, énergies, etc.). Le panel de leur mission est large : études de faisabilité, R&D, maîtrise d'œuvre, optimisation énergétique, conformité réglementaire et environnementale, maintenance, etc.
Malgré les différentes crises (financière de 2008, crise de la dette, sanitaire) et le récent ralentissement du marché de la construction, les entreprises d'ingénierie affichent une belle vitalité : leurs effectifs ont connu une croissance annuelle moyenne de 4%. D'ici 2030, elles prévoient de créer 80 000 nouveaux postes, dont ¼ dans la construction et le reste dans l'industrie. Pourquoi ? Parce qu'elles sont au cœur des grandes transitions et que leurs compétences sont nécessaires pour les mener à bien.
Dans le détail, les emplois créés doivent servir à :
Une dynamique entravée par la pénurie de talents et une offre de formation incomplète
Cette dynamique de recrutement, nécessaire à la mise en œuvre des transitions, court néanmoins le risque d'être doublement entravée : par le manque de talents disponibles d'une part, et par l'insuffisance de l'offre de formation initiale et continue, d'autre part.
Un vivier d'étudiants insuffisant
A l'heure actuelle, l'ingénierie souffre déjà d'un sous-effectif structurel de l'ordre de 2 à 4%. Ce sont environ 15 000 professionnels (tous niveaux d'études confondus) qui font défaut chaque année. L'explosion des nouveaux besoins en compétences liés aux grandes transitions va donc très largement accentuer cette tendance : d'ici 2030, ce sont 20 000 talents qui feront défaut dans l'ingénierie. Pour les professionnels de niveau Bac +2/+3, la pénurie se fait d'ores et déjà ressentir, alors qu'elle devrait se manifester de manière évidente plutôt en 2025 pour les profils à Bac +5. Selon l'étude OPIIEC sur l'évolution des métiers de l'ingénierie de construction et d'aménagement, la pénurie devrait occasionner un manque à gagner de 2,2 à 4,2 milliards d'euros pour les entreprises d'ingénierie, rien que dans le secteur de la construction (bâtiment et infrastructures).
Une offre de formation incomplète
Par ailleurs, le diagnostic de formation France Ingénierie 2030 et l'étude OPIIEC mettent en lumière l'adaptation nécessaire de l'offre de formation existante, qu'elle soit initiale ou continue. C'est particulièrement vrai pour les compétences liées à la décarbonation industrielle, , le numérique au service de la transition environnementale, le nucléaire, l'hydrogène ou encore les biomédicaments. Dans le détail, les compétences liées aux adaptations au changement climatique ou encore à l'utilisation de l'intelligence artificielle sont ainsi insuffisamment couvertes au regard de la base des diplômes et certifications inscrites au RNCP. Les formations concernant les évolutions réglementaires, les évolutions du marché, l'aéronautique, le spatial, l'automobile ou encore l'agroalimentaire sont néanmoins jugées satisfaisantes, même si leur contenu doit s'adapter au regard des enjeux de transition.
Syntec-Ingénierie propose un plan d'actions et appelle les pouvoirs publics à s'en saisir
Face à ce constat, la fédération professionnelle de l'ingénierie propose une série d'actions concrètes, à mener de concert avec les pouvoirs publics :
Travailler sur l'attractivité des filières scientifiques et techniques au global
Si l'ingénierie peine tant à recruter les talents dont elle a besoin, c'est parce qu'elle souffre d'un profond manque de notoriété et d'attractivité. Peu connus et mal identifiés, les métiers dans l'ingénierie n'attirent pas spontanément les jeunes. Et il en va de même plus largement pour les filières scientifiques et techniques qui peinent à faire le plein, en particulier depuis la récente réforme du Bac. A cet égard, Syntec-Ingénierie, qui vient de lancer une grande campagne de communication sur l'ingénierie à destination des 13-18 ans, propose les actions suivantes :
Élargir les viviers de recrutement
L'ingénierie, qui recrute environ 2/3 d'ingénieurs, est confrontée à un manque de diversité dans les profils disponibles : seuls 30% des ingénieurs diplômés chaque année sont des femmes et peu sont issus de milieux défavorisés[2]. Syntec-Ingénierie, qui s'est notamment donnée comme mission dans sa feuille de route à 5 ans, de faire de l'ingénierie une profession inclusive et de promotion sociale a créé et lancé en septembre 2022 Parcours Ingé, le premier parcours 100% en alternance vers l'ingénierie. Elle appelle les pouvoirs publics à :
Favoriser la formation continue des salariés du secteur sur les compétences à acquérir
Si l'offre existante est déjà riche, elle est néanmoins jugée insatisfaisante par près d'une entreprise sur 4. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne l'hydrogène, le nucléaire et plus largement les compétences liées à la transition écologique et énergétique et à la transition numérique. Syntec-Ingénierie, qui a signé avec l'État, la Fédération Syntec et les partenaires sociaux l'accord-cadre « Climat et métiers de l'ingénierie » en février 2023 recommande dès lors les actions suivantes :
CHIFFRES CLÉS
Diagnostic de formation France Ingénierie 2030, réalisé dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt France 2030, juin 2023
Étude OPIIEC sur l’évolution des métiers de l'ingénierie de construction et d'aménagement, janvier 2024
Identifier les secteurs porteurs et d'avenir qui recrutent