Le résultat de notre enquête est sans appel. Les internes de France travaillent en moyenne 58,4 heures par semaine. Ce chiffre dépasse de dix heures le maximum légal de 48 heures fixé par l'Union européenne et par le décret de 2015 sur le temps de travail des internes.
Ce chiffre est impressionnant d'autant qu'il ne prend en compte que le temps que passe l'interne sur son terrain de stage. Théoriquement, ce temps en stage doit être consacré à l'activité de formation clinique, ce qui n'est pas le cas.
Ce chiffre de 58,4 heures hebdomadaires ne contient pas, par ailleurs, les heures que les internes passent à leur domicile ou à la faculté à travailler sur leurs projets de recherche ou sur les présentations qu'ils et elles font très régulièrement dans leur service. En effet, les internes, sous l'autorité de leur chef de clinique ou de leur professeur des universités sont censés produire des travaux de recherche ou d'analyse d'articles scientifiques qu'ils et elles doivent ensuite restituer lors de points souvent hebdomadaires, appelés dans le jargon médical des « staff ». Tout cela demande un travail au domicile, souvent exécuté le soir tard après des journées de travail qui se terminent globalement entre 19h et 21h.
Ce résultat de 58,4 heures hebdomadaires cache des disparités entre les internes même s’il est clair comme le montre le tableau ci-dessous que plus de 70% des internes dépassent le maximum légal. Notre analyse montre que 40% des répondants travaillent plus de 60h par semaine et 10% dépassent les 79h par semaine. Par ailleurs, seuls 30% des internes déclarent travailler moins de 50,75 heures par semaine.
Rapporté à sa rémunération qui est d’environ 1 600€ net en première année d’internat (indemnités comprises), la valorisation horaire du travail des internes est donc de 6,8€ net de l’heure, en dessous du SMIC horaire net de 7,96€ (valeur au 1er janvier 2020). Cette situation est décrite avec des données différentes par la Fondation Jean Jaurès et n’est pas acceptable moralement et légalement.
L'ISNI a fractionné notre analyse pour distinguer trois grands groupes d’internes en fonction de leurs spécialités :
Si on s’intéresse à toutes les spécialités sans distinction, il est possible d’élaborer quatre groupes en fonction de la charge de travail hebdomadaire :
Nous rappelons qu’en France la base légale sur le temps de travail est de trente-cinq heures. Il est réservé la possibilité de travailler plus que ces heures à condition que cela ouvre le droit à une compensation qu’elle soit rémunérée ou par du repos supplémentaire. Ces deux options ne sont pas accessibles aux internes pour la simple et bonne raison qu’il n’existe pas de décompte horaire de leur temps de travail.
« La seule solution pour faire respecter le temps de travail des internes serait de le décompter précisément. »
Si le décret de 2015 limite le temps de travail des internes à quarante-huit heures, le décompte est fait en demi-journées et restituées par le remplissage de ce que nous appelons des « tableaux de service ». Or ces tableaux de service ne permettent pas de refléter le temps de travail horaire des internes dans la mesure où les demi-journées n’ont pas de traduction en termes de volume horaire. A titre d’exemple, une garde de 24 heures est traitée dans un tableau de service comme « quatre demi-journées », ce qui donnerait une durée de 6 heures à la demi-journée donc 12 heures pour une journée de travail, ce qui n’est pas cohérent.
Dernière remarque concernant le temps de travail, une décision rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne le 14 mai 2019 statue que « les États membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. » Nous étions en cours de réflexion pour engager une procédure afin que l’État enjoigne les établissements accueillant les internes à respecter cette jurisprudence quand la crise du nouveau coronavirus est arrivée.
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