DISCOURS DE M. LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Ecole Polytechnique
Palaiseau – Mercredi 17 décembre 2008
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
La France ne serait pas la France sans la passion de la République, de ses valeurs, de ses principes.
La France ne serait pas la France sans cette passion de la liberté, de l’égalité et de la fraternité qui est
le propre de la République.
La République s’est donnée pour but d’accomplir le vieux rêve des rois, celui d’une nation une et
indivisible. Elle y a ajouté celui d’une communauté de libres citoyens soudés par le civisme et l’égalité
des droits et des devoirs.
C’est le miracle de la République d’avoir permis à la France de conjuguer une identité si forte avec
une aspiration si grande à l’universalisme.
C’est le miracle de la République d’avoir permis à la France d’être une grande patrie faite d’une
multitude de petites patries unies par une formidable volonté de vivre ensemble, de partager une
langue, une histoire, une façon d’être et de penser, où chacun se reconnaît dans un idéal et un destin
communs sans que soient effacées les histoires personnelles et les destins particuliers.
C’est le miracle de la République d’avoir forgé l’unité de la France sans la condamner à l’uniformité.
C’est le miracle de la République de combiner une aussi haute idée de l’État avec une passion aussi
grande de la liberté.
C’est le miracle de la République d’avoir fait éprouver à la France une même passion pour l’égalité et
pour le mérite.
Le miracle de la République, c’est d’avoir donné à la France le sens de la fraternité, c’est-à-dire de la
compréhension, du respect et de la solidarité.
La République, ce n’est pas un modèle figé pour l’éternité.
Ce n’est pas l’immobilisme. Ce n’est pas le conservatisme.
La République, c’est le mouvement, c’est le progrès, c’est l’appel de la justice.
C’est un rêve toujours inaccompli, c’est un projet toujours inachevé.
La République, c’est notre bien commun, ce qui nous fait vivre ensemble, nous respecter les uns les
autres, nous sentir solidaires les uns des autres. C’est ce que les générations qui nous ont précédés
nous ont légué de plus précieux.
La République, c’est un idéal que nous n’avons pas le droit de trahir. C’est un projet de société. C’est
un projet politique que nous avons le devoir de continuer. Mais il ne suffit pas de glorifier la
République pour qu’elle demeure vivante. Il ne suffit pas de proclamer l’égalité pour qu’elle soit
réalisée.
Regardons notre société en face, regardons la promotion sociale, le nombre de fils d’ouvriers dans les
grandes écoles, la ségrégation urbaine, les discriminations, l’inégalité des chances, et posons-nous la
question :
Qu’avons-nous fait de notre République ?
Comment peut-on encore parler de République quand l’école ne parvient plus à compenser les
handicaps sociaux ?
Comment peut-on parler de République quand la réussite scolaire et l’avenir professionnel dépendent
non de l’intelligence, non du courage, non de l’ardeur au travail, non du mérite mais d’abord du milieu
social d’où l’on vient, du quartier où l’on habite, du nom que l’on porte, de la couleur de sa peau ?
Comment faire comprendre la République à l’enfant qui se sent prisonnier de son milieu, de son
quartier, de ses origines ?
Comment faire aimer la République à ceux qu’elle tient à l’écart ? A ceux qui ont la conviction que
quoi qu’ils fassent, quel que soit le mal qu’ils se donnent, les efforts, les sacrifices qu’ils consentent,
ils ne peuvent pas réussir ?
Comment faire espérer dans une République qui continuerait à tenir si peu ses promesses, à
fonctionner de plus en plus non comme un projet mais comme un mythe étranger à la réalité sociale ?
Le plus grand danger qui menace notre modèle républicain, c’est que la République devienne une
idéologie désincarnée.
On trahit l’idéal républicain en s’abritant derrière les grands principes pour ne pas combattre les
injustices, les inégalités, les discriminations.
La République, ce ne doit pas être un dogme, ce doit être une exigence, une exigence politique, une
exigence sociale, une exigence morale.
Depuis trop longtemps nous trahissons l’idéal républicain en proclamant notre attachement à une
République formelle sans nous soucier de construire la République réelle.
Il n’y a pas de République réelle sans volontarisme républicain.
Il n’y a pas de République réelle sans la volonté de corriger les inégalités, en traitant inégalement les
situations inégales.
On ne peut progresser vers l’égalité réelle qu’en s’attaquant à la fois aux causes et aux conséquences
des inégalités, des injustices, des discriminations.
On ne peut pas prétendre faire vivre l’idéal républicain si l’on n’est pas capable de reconnaître que
notre modèle d’intégration qui durant un siècle a si bien fonctionné ne fonctionne plus. Parce que c’est
la vérité. Parce que ce modèle qui pendant un siècle a tant contribué à réduire les inégalités se révèle
désormais impuissant à les réduire quand il ne contribue pas à les aggraver.
On ne peut pas vouloir la République réelle si l’on n’est pas capable de reconnaître que notre modèle
d’intégration après avoir été longtemps un modèle de promotion sociale est devenu un modèle de
reproduction sociale.
On ne peut pas voir le décalage toujours plus grand qui saute aux yeux entre la diversité de la société
française et l’homogénéité sociale et culturelle toujours plus grande des élites que produit notre
système éducatif.
On ne peut pas ne pas voir parce que cela saute aux yeux que notre système de sélection interdit
l’accès aux responsabilités à certaines catégories de la population.
Je le dis avec gravité, si notre société se trouve aujourd’hui menacée de devenir une mosaïque de
communautés repliées sur elles-mêmes, si le risque se profile de voir la solidarité communautaire
devenir plus forte que la solidarité nationale, si le communautarisme menace l’unité et l’indivisibilité
de la République, ce n’est pas parce que l’on a trop fait droit au principe selon lequel le détour par
l’inégalité pouvait être le meilleur moyen d’atteindre l’égalité, ce n’est pas parce que l’on a trop donné
à ceux qui avaient moins, ce n’est pas parce que l’on a trop transgressé les sacro-saints principes de
l’égalitarisme pour mettre en oeuvre une discrimination positive. C’est tout le contraire.
C’est parce qu’au fond on n’a pas fait grand-chose pour réparer les injustices et réduire les inégalités.
C’est parce que la bonne conscience républicaine a remplacé depuis trop longtemps le volontarisme
républicain.
C’est parce qu’on a cessé depuis trop longtemps de considérer l’exigence républicaine comme une
obligation de résultat.
Le meilleur antidote au communautarisme c’est que la République tienne ses promesses. Il faut rester
ferme sur les principes et pragmatique sur les moyens. Depuis deux cents ans la République, ce sont
les mêmes principes, les mêmes valeurs, les mêmes objectifs, mais ce sont des priorités, des
procédures, des moyens différents en fonction des époques et des circonstances.
La République fut tour à tour girondine, jacobine, libérale, anticléricale, sociale, radicale…
Elle se développa tour à tour par la conscription, par le suffrage universel, par l’école, par la laïcité,
par la sécurité sociale…
Elle s’affirma tour à tour dans la guerre et dans la paix mais toujours à la poursuite du même idéal.
« La République n’est rien qu’un instrument d’émancipation, un instrument d’évolution par
l’éducation de tous » disait Clémenceau.
Les principes, ils sont sacrés. Je pense en particulier au grand principe d’égalité qui est la clef de voûte
de notre unité.
Mais de quelle égalité parle-t-on ?
Si l’on parle de l’égalité absolue des situations, on tombe tout de suite dans l’égalitarisme qui est le
contraire de la République parce que la République c’est aussi la récompense du mérite, c’est aussi
l’élitisme républicain, c’est aussi la récompense de l’effort et du travail.
L’égalité républicaine, c’est l’égalité devant la loi, l’égalité des droits et des devoirs, c’est l’égale
dignité des personnes, c’est l’égalité des chances.
L’égalité des chances : c’est la priorité d’aujourd’hui.
C’est en rétablissant l’égalité des chances que la République fera circuler ses élites. C’est en
rétablissant l’égalité des chances qu’elle fera droit à la diversité. C’est en rétablissant l’égalité des
chances qu’elle viendra à bout de la tentation communautariste. Tout ce qui entrave l’égalité des
chances doit être combattu. Tout ce qui empêche chacun de faire valoir ses talents et ses mérites doit
être corrigé. L’égalité des chances doit cesser d’être théorique pour devenir réelle. Il ne s’agit pas de
remplacer une discrimination par une autre. Il s’agit de donner plus à ceux qui ont moins. Il s’agit de
compenser les handicaps. Il s’agit de donner une deuxième chance à ceux qui n’ont pas eu les moyens
de saisir la première.
Quel est l’objectif ? Relever le défi du métissage que nous adresse le XXIème siècle. Le défi du
métissage, la France l’a toujours connu. Elle l’a toujours relevé. Elle a toujours au cours des siècles
métissé les cultures, les idées, les histoires. Son universalisme est le fruit de ce constant métissage qui
n’a cessé de s’enrichir d’apports nouveaux et de bâtir sur tant de différences mêlées les unes aux
autres un sentiment commun d’appartenance et un patrimoine unique de valeurs intellectuelles et
morales qui s’adressent à tous les hommes. Ce métissage, elle l’a réussi parce qu’elle a su offrir à
chacun la promesse de la promotion sociale, la promesse qu’il pourrait déployer tous ses mérites, tous
ses talents.
Répondre au défi de la diversité en recourant à des critères ethniques ou religieux conduirait à prendre
le risque de dresser les unes contre les autres des communautés rivales et à enfermer chacun dans son
identité et son histoire alors même qu’il s’agit de le faire accéder à une citoyenneté pleine et entière,
de conforter le sentiment de son appartenance à quelque chose qui le dépasse et qui l’ouvre sur
l’universel.
Au demeurant comment définir des critères ethniques objectifs sans prendre le risque de réveiller de
vieux démons, ou des critères religieux, sans prendre le risque de remettre en cause le principe de
laïcité qui permet à toutes les croyances religieuses de cohabiter en paix au sein de la République ?
Tel est d’ailleurs le sens du rapport que m’a remis ce matin la commission présidée par Simone Veil.
Je tiens à nouveau ici à remercier très sincèrement chacune des personnalités qui la composent pour
leur travail remarquable. Il démontre que nous n’avons pas besoin de changer notre Constitution pour
rendre réelle l’égalité des chances. Nous avons déjà entre les mains des leviers importants qui nous
permettent d’agir. Ce qu’il faut maintenant, c’est de la volonté et de la persévérance.
Pour mener à bien ces réformes, la France doit se doter d’outils statistiques permettant de mesurer sa
diversité, pour identifier précisément ses retards et mesurer ses progrès. Ces instruments doivent
reposer sur des méthodes objectives et incontestables. Ils ne doivent pas traduire une lecture ethnique
de notre société. Je souhaite qu’un travail soit conduit avec la communauté scientifique pour avancer,
dans le dialogue, sur ce sujet sensible.
Si la question des statistiques pour mesurer les inégalités et les discriminations liées à l’origine est
ouverte, la question d’une action publique volontariste fondée sur des critères ethniques ou religieux
doit être close.
C’est par le critère social qu’il faut prendre le problème parce que les inégalités sociales englobent
toutes les autres.
Si l’on regarde comment se distribuent les inégalités il apparaît clairement qu’en réduisant toutes les
fractures sociales on réduira du même coup toutes les fractures ethniques, religieuses et culturelles.
Les territoires, les quartiers et les catégories les plus défavorisées doivent être l’objet d’une politique
volontariste qui permettra de rétablir l’égalité des chances. C’est la solution qu’avait choisi la
IIIe République en créant le statut de boursier qui a permis à tant de fils d’immigrés pauvres de
rejoindre en une ou deux générations les élites sociales, intellectuelles et politiques d’une République
qui acceptait alors de regarder en face la réalité de ses inégalités.
Comme toujours l’égalité réelle des chances, c’est d’abord par l’école qu’elle passe. La réforme de
l’école primaire, puis demain celle du lycée et du collège, doit y contribuer. C’est quand on monte le
niveau d’exigence de l’école que la promotion sociale se trouve facilitée et non l’inverse. A condition
bien sûr que les élèves des milieux les plus défavorisés ne soient pas enfermés dans des ghettos où se
concentrent toutes les difficultés, tous les handicaps de la vie sociale. C’est la raison pour laquelle j’ai
voulu que progressivement la carte scolaire soit supprimée. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité
que l’on expérimente sur une grande échelle la possibilité de fermer certaines écoles et de répartir dès
le cours préparatoire les élèves dans d’autres écoles en organisant des services adaptés de transports
scolaires, de sorte que soit mieux assuré le brassage social qui, pendant si longtemps, a fait le succès
de l’école de la République.
Le plan « espoir-banlieue » a aussi retenu comme priorité la généralisation des internats éducatifs
destinés à permettre la prise en charge des bons élèves des milieux modestes qui ne peuvent pas
trouver chez eux les conditions propices à l’étude.
La création de filières d’excellence dans des lycées situés dans des quartiers défavorisés, le suivi des
jeunes qui décrochent, le soutien scolaire aux enfants qui se trouvent trop tôt livrés à eux-mêmes à la
fin des cours, l’obligation pour tous les lycées de présenter au moins 5 % d’élèves de Terminale en
classes préparatoires aux grandes écoles, le développement des « écoles de la deuxième chance », le
contrat d’autonomie expérimenté dans 35 départements, le désenclavement des quartiers contribueront
aussi à accroître l’égalité des chances pour les enfants qui ne partent pas dans la vie avec les mêmes
chances que les autres.
Mais tous ces chantiers ne progressent pas assez vite. Certains ont pris beaucoup de retard. D’autres
après de nombreux arbitrages entre les administrations ont vu leurs ambitions fortement réduites. Je
veux le dire aujourd’hui, je ne tolèrerai pas que ce qui a été décidé ne soit pas mis en oeuvre
rapidement. Je ne tolèrerai pas que ce qui doit être une priorité soit relégué au second plan.
La mixité sociale à l’école, les internats d’excellence, les écoles de la 2e chance, le désenclavement des
quartiers doivent être portés par la même ambition que celle qui a porté le développement de l’école
républicaine du temps de Jules Ferry et de la République des instituteurs.
Désormais l’égalité des chances ne sera plus seulement une priorité dans les mots, mais elle sera aussi
une priorité dans les actes. J’y veillerai personnellement. Parce que l’on ne peut pas continuer comme
cela. Parce que l’on ne peut pas continuer à prendre des décisions qui ne sont pas suivies d’efftets.
Je veux une mobilisation de tout l’appareil de l’État, de toutes les administrations et de tous les
ministères. Je veux que l’État soit exemplaire. Exemplaire dans la mise en oeuvre des politiques en
faveur de l’égalité des chances, exemplaire dans la lutte contre les discriminations, exemplaire dans la
promotion de la diversité, exemplaire en matière de transparence sur les résultats. Mais il n’y a pas que
l’État qui doit être exemplaire. Il y a aussi les collectivités locales. Il y a aussi les partis politiques. Il y
a aussi les entreprises.
Ces dernières années, beaucoup d’initiatives ont été prises pour changer la donne.
Je pense à Sciences-Po, qui a instauré une voie d’accès réservée à des lycéens méritants de l’éducation
prioritaire.
Je pense à l’institut Montaigne, qui a mobilisé plus de 2000 entreprises autour des engagements de sa
charte de la diversité.
Je pense à certaines écoles de commerce, certains Instituts d’Etudes Politiques ou à Polytechnique, qui
ont mis en place des mécanismes de tutorat pour apporter aux jeunes de banlieue le soutien de ceux
qui ont réussi.
Je pense aux lycées qui, dans différentes régions, ont instauré des formations pour aider les élèves de
condition modeste à intégrer les classes préparatoires.
Je pense aux « cordées de la réussite » qui viennent d’être lancées par le Gouvernement pour établir
davantage de passerelles entre les établissements scolaires, les grandes écoles mais aussi les
universités.
Je pense au magnifique travail accompli depuis un an et demi par le délégué interministériel à l’égalité
des chances des Français d’Outre-mer.
Je pense à la remarquable initiative du Lycée Henri IV avec ses classes préparatoires de mise à niveau
pour les bons élèves d’établissements situés dans des zones en difficulté.
Beaucoup d’autres actions mériteraient d’être citées. Ceux qui en ont pris l’initiative ont eu le courage
de briser des tabous qui ont longtemps empêché notre pays de progresser. Je veux rendre hommage à
tous ceux qui, avec courage, avec imagination, ont fait de la promotion sociale et de la diversité leur
combat dans les associations, les entreprises, les grandes écoles, les médias. Mais ces initiatives restent
trop peu nombreuses. Le compte n’y est pas. C’est toute la société qu’il faut mettre en mouvement. Il
nous faut maintenant aller plus vite, plus loin.
Nous avons besoin d’une France qui fasse sa place à chacun.
Où la promotion sociale redevienne une promesse pour tous.
Où le travail et la persévérance permettent à tous ceux qui le méritent d’accéder à l’élite, d’accéder
aux responsabilités.
Où les principes de la République soient respectés réellement et pas seulement formellement.
Où les devoirs soient les contreparties des droits.
L’égalité réelle des chances, nous devons la mettre en oeuvre à tous les étages de la société, faire sauter
tous les verrous.
D’abord, en matière d’éducation.
Pour cela, nous allons ouvrir en grand les lieux ou se forme l’élite de demain. Je souhaite que, dans
tous les lycées qui préparent aux concours des grandes écoles – je dis bien dans tous - des classes
préparatoires de mise à niveau soient créés sur le modèle de ce qui a été fait au Lycée Henri IV et que,
dès septembre 2009, 25 % des places de chaque classe préparatoire aux grandes écoles soient
réservées aux meilleurs lycéens boursiers. A la rentrée 2010, ce taux atteindra 30 %. Je veux que
l’éducation nationale se mobilise pour encourager ces jeunes, convaincre leurs familles et susciter
leurs candidatures. Chaque enseignant, chaque chef d’établissement doit se sentir investi de la
responsabilité de repérer et d’accompagner vers les filières d’excellence les élèves d’origine modeste
qui en présentent le potentiel.
Pour accompagner les boursiers vers ces filières exigeantes, je demande que soient développés aussi
des « internats d’excellence » dans les lycées à classes préparatoires aux grandes écoles. Avoir un
hébergement de qualité est indispensable pour travailler dans de bonnes conditions. Mais ce n’est pas
suffisant dans un monde où les codes sociaux et culturels sont si importants. C’est pourquoi ces
établissements offriront à leurs pensionnaires un tutorat assuré par des élèves de grandes écoles, un
suivi personnalisé pris en charge par les professeurs ainsi que des compléments disciplinaires. En
amont, je le redis, il nous faut également développer de façon plus ambitieuse l’implantation des
internats dans l’enseignement secondaire et même dans l’enseignement primaire pour les enfants de
familles modestes qui témoignent de bonnes dispositions aux études. Cette politique doit être conduite
avec plus de détermination, plus de moyens, quitte à s’appuyer sur des partenariats avec les entreprises
privées.
L’excellence, ce n’est pas seulement les classes préparatoires et les grandes écoles, c’est aussi les
universités. Mais chacun le sait, tous les jeunes ne sont pas à armes égales pour y réussir,
particulièrement en première année où le taux d’échec est élevé. Pour introduire davantage d’égalité
des chances à ce moment charnière des études supérieures, je demande que soit inscrit dans les
contrats d’établissement avec les universités des créations d’emplois étudiants pour assurer un tutorat
renforcé en faveur des boursiers qui entrent en première année. Les réformes mises en oeuvre pour
rendre les universités plus autonomes et un effort d’investissement sans précédent leur permettront de
s’affirmer progressivement comme des filières d’excellence à part entière.
Après l’éducation, le monde du travail.
Je veux que le CV anonyme devienne un réflexe pour les employeurs. On sait depuis longtemps que
les Français ne sont pas égaux devant le recrutement. Il faut donner à chacun la chance de bénéficier
d’un entretien, de pouvoir exprimer sa motivation, de faire valoir ses compétences. Sur ce sujet, nous
n’avancerons pas par la contrainte mais par la conviction et par le pragmatisme. Telle était
l’orientation retenue en 2006 par les partenaires sociaux dans l’accord qu’ils avaient conclu sur la
diversité, puisqu’il prévoyait de recourir à l’expérimentation. Cette expérimentation, il faut maintenant
la conduire.
En 2009, le Gouvernement proposera à 100 grandes entreprises de mettre en place le CV anonyme.
Les résultats diront s’il faut aller plus loin. Je souhaite que l’on expérimente également un dispositif de
mutualisation des stages par les établissements de formation, pour que les meilleures propositions des
entreprises profitent à tous les jeunes et pas seulement aux plus favorisés. Je veux enfin que l’on fasse
reculer les discriminations au sein même de l’entreprise. A cet effet, nous donnerons à la HALDE le
pouvoir d’effectuer des contrôles inopinés sur les lieux de travail.
Il faut aller au-delà, inciter les entreprises à introduire la diversité au coeur de leur gestion des
ressources humaines. A partir d’une certaine taille, elles devront obligatoirement faire état dans leur
bilan social des actions qu’elles conduisent sur ce sujet. Un « label diversité » va être créé pour
valoriser les meilleures pratiques. Il sera attribué aux entreprises, mais aussi aux administrations ou
collectivités locales, engagées dans une démarche active de promotion de la diversité. Les premiers
labels seront attribués dès janvier. Je demande également que l’on examine comment l’exécution des
grands marchés publics de l’Etat pourrait être conditionnée à la mise en oeuvre par les entreprises
d’actions favorables à la diversité. Il faut utiliser tous les moyens pour inciter les acteurs à faire de ce
sujet une priorité.
Mais si l’on exige un tel effort des entreprises, la fonction publique doit donner l’exemple.
D’abord en aidant les jeunes de condition modeste à préparer les concours. Il existe aujourd’hui 170
écoles de fonctionnaires et rares sont celles qui mettent le pied à l’étrier aux candidats les moins
favorisés. Le principe que je veux appliquer est simple. C’est le même que pour les classes
préparatoires : le même concours pour tous mais pas la même préparation. En 2009, chaque ministère
créera des classes préparatoires intégrées à ses écoles et dotées d’objectifs de réussite. Ces classes
préparatoires devront accueillir un effectif représentant au moins 30% des postes mis au concours.
Ceux qui seront sélectionnés bénéficieront de bourses et de facilités de logement. Je souhaite que ce
principe s’applique à toutes les fonctions publiques. Mais c’est bien en amont des concours que la
fonction publique doit également s’ouvrir. Je veux ainsi que l’administration offre des stages aux
jeunes des quartiers, à l’image du dispositif mis en place par la Banque de France pour les collégiens.
Par ailleurs, j’attends des ministres qu’ils soient exemplaires dans les nominations de hauts
fonctionnaires. Je veux des procédures de nominations qui permettent à chacun de faire valoir ses
compétences. Je veux que le vivier habituel des candidats soit élargi et ouvert sur la diversité
française, le cas échéant en ayant recours à des cabinets de recrutement.
Le monde politique aussi doit s’ouvrir à la diversité sociale.
Tous les partis politiques ont un retard considérable à rattraper. Peu de candidats issus des minorités
sont présentés au suffrage, encore moins élus. Cette situation est injuste. Elle suscite des frustrations
bien compréhensibles. Et quelle peut être la légitimité d’une classe politique dans laquelle une bonne
partie de la population ne se reconnaît pas ?
Pour introduire davantage de diversité, il faut renouveler la classe politique en profondeur. Je souhaite
donc que les partis s’engagent sur une charte de la diversité. Leur financement public pourrait être
conditionné au respect de leurs engagements.
Une commission d’évaluation de la promotion de la diversité dans la vie politique sera mise en place.
Elle rendra chaque année un rapport public sur les efforts accomplis par les différentes formations
politiques bénéficiant de financements publics pour assurer une meilleure représentation de la diversité
dans les instances locales et nationales de la vie politique. Chacune de ces formations politiques devra
lui remettre un bilan annuel sur les initiatives mises en oeuvre et les résultats obtenus dans ce domaine.
La diversité doit aussi trouver sa place à la télévision.
Chaque chaine déterminera des objectifs d’amélioration de la diversité à l’écran, mais aussi dans les
structures d’encadrement et de décision. Ces engagements seront solennisés dans des conventions
passées avec le CSA. Ce dernier vérifiera que les chaines remplissent bien leurs engagements et
publiera ses conclusions. Je demanderai naturellement à France Télévisions de se montrer
particulièrement exemplaire.
Pour mettre en oeuvre l’ensemble de ces mesures, je demande au Gouvernement de me présenter un
plan d’action d’ici le mois de mars. J’ai demandé à Yazid Sabeg de se charger de ce travail de
mobilisation de toutes les ressources de l’Etat et de la société en tant que Commissaire à la diversité et
à l’égalité des chances. Je le remercie d’avoir accepté cette mission au nom de l’idée qu’il se fait de
l’intérêt général et de son attachement aux valeurs de la République. Je sais qu’il mettra toute son
énergie, toute sa conviction et tout son coeur à l’accomplissement de cette grande tâche. Il travaillera
en étroite coordination avec le Délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’Outremer
dont l’expérience sera précieuse. Il procèdera à des consultations approfondies avec tous les
acteurs, car nous n’avancerons pas sans dialoguer, notamment avec les associations et les personnes
issues de la diversité qui par le passé ont trop souvent été tenues à l’écart de l’élaboration, de la mise
en oeuvre et de l’évaluation des politiques de promotion de la diversité.
Mers chers amis,
Nous devons changer.
Nous devons changer nos comportements, nous devons changer nos habitudes.
Nous devons changer pour rester fidèle à nos valeurs.
Nous devons changer pour que la république demeure vivante.
Nous devons changer pour que plus aucun Français ne se sente étranger dans son propre pays.
Nous devons changer pour que nos enfants soient fiers de la France que nous leur laisserons.
Nous devons changer parce que c’est un devoir moral et parce que c’est une nécessité politique.
Nous devons changer et nous allons changer.
Ce changement, beaucoup de Français l’attendent, beaucoup de Français l’espèrent, beaucoup de
Français le veulent.
Je m’impliquerai personnellement. J’y consacrerai toute mon énergie.
Vive la République !
Vive la France !
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