Interview de Patrick BERCHE, Doyen de la faculté de médecine Paris Descartes

Zoom sur la réforme du concours PACES (Première Année Commune des Etudes de Santé) et sur les initiatives originales de Paris Descartes.

Publié le 14 novembre 2010

Capcampus

L'année universitaire PACES étant maintenant organisée en deux semestres, que se passe-t-il pour les étudiants mal classés à l'issue des épreuves de décembre ?

Patrick Berche

  • Dans le cadre de la réforme, pour l'année universitaire 2010-2011, aucun candidat ne devrait être exclu à l'issue des épreuves de décembre. Il n'y aura pas d'exclusion cette année à Paris-Descartes.

  • En revanche, ce ne sera plus le cas dès la rentrée suivante. L'exclusion sera probablement prononcée pour les étudiants ayant obtenu une moyenne de 5-6/20. En effet, on sait statistiquement (avec un recul d'une décennie) qu'au-dessous de ces notes, les étudiants ne réussissent pas le concours. Il convient de noter que les derniers reçus à Paris-Descartes ont une moyenne > 13/20. De plus, on constate environ 20-30 % d'abandons spontanés chaque année.

  • Néanmoins, cette exclusion à l'issue de la première année ne signifie pas que les candidats n'ont plus aucune chance de se présenter au concours. Une réorientation à l'issue du premier quadrimestre - ou en fin d'année - est prévue par la réforme qui donne ainsi une chance aux candidats dont le niveau n'est pas suffisant de suivre une formation complémentaire avant de tenter leur seconde et dernière chance à la PACES.

  • On note que les étudiants qui ont été reçu au baccalauréat S avec mention très bien ou bien réussissent beaucoup mieux au concours dès la première tentative, avec un meilleur taux de réussite pour les jeunes filles.

Capcampus

Quelles sont les passerelles de réorientation prévues par la réforme qui seront opérationnelles dans votre faculté dès l'année universitaire en cours ?

Patrick Berche

  • Pour cette année de transition, toutes les passerelles ne sont pas encore opérationnelles. Néanmoins, les étudiants recalés à la fin de l'année universitaire 2010-2011 pourront s'orienter vers la filière biologie, comme c'est déjà le cas puisque 1/3 des étudiants ayant échoué deux fois au concours de médecine s'orientent prioritairement vers cette filière, les autres optant pour des filières paramédicales, le droit ou encore la psychologie.

  • Dans le cadre de la réforme, et pour ce qui concerne Paris-Descartes, la réorientation à l'issue de la première année de PACES sera appliquée probablement aux étudiants dont le classement au concours dépassera 3-4 fois le numerus clausus, soit au-delà des places 1200 à 1600 (pour 3200 inscrits). La décision n'est pas encore arrêtée.

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La réforme prévoit la mise en place de nouvelles possibilités d'admission parallèle pour des étudiants ayant suivi un autre cursus

Patrick Berche

  • Ces admissions existent déjà pour les ingénieurs (ENS, Polytechnique, Centrale, Mines, Agronomes...), les titulaires d'un doctorat scientifique d'Université, les vétérinaires, les pharmaciens qui peuvent accéder, sur dossier et après entretien, directement en 3ème année (DCEM-1). Les candidats à l'admission parallèle aux études de médecine peuvent se présenter devant une commission nationale seulement deux fois, en cas de refus.

    Pour ce qui concerne Paris-Descartes, il est en outre accordé une place importante à la lettre de motivation des candidats qui doivent expliquer les raisons de leur choix, pourquoi ils n'ont pas opté pour les études médicales à 18 ans, à leur formation et leur parcours personnel... Un entretien d'un quart d'heure avec le jury leur permet de se présenter (7') et de répondre aux questions du jury (7'). Quelques dizaines de candidats environ se présentent chaque année en admission parallèle et cela demeure très peu.

  • Avec la réforme, l'admission parallèle - avec dossier et entretien - devrait s'étendre à d'autres candidats, notamment aux Infirmiers Diplômés d'Etat disposant en outre de 5 ans d'expérience professionnelle et aux titulaires d'un Master 2 - incluant des étudiants de filières littéraires. Ces admissions parallèles leur permettront d'accéder directement en PCEM-2. Ces mesures sont en cours de mise en œuvre et correspondront à un nombre très limité de places (aujourd'hui non encore applicables).

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Un étudiant qui aurait échoué deux fois au concours de première année, pourra-t-il ultérieurement bénéficier de cette mesure ?

Patrick Berche

  • Cela sera effectivement possible.

    Un étudiant qui aurait échoué deux fois au concours de la PACES, peut s'orienter vers la filière Biologie jusqu'à la thèse d'université, ou vers pharmacie. Il pourra à nouveau tenter sa chance dans le cadre de l'admission parallèle en DCEM-1. Il n'aura toutefois droit qu'à une seule présentation (au lieu de deux tentatives pour les autres). A Paris Descartes, j'ai connu plusieurs exemples suivant ce parcours qui démontre une remarquable motivation et ténacité pour devenir médecin - il leur reste à accomplir des études très longues avant de pouvoir exercer (DCEM-1 à DCEM-4 soit 4 ans puis Internat de 3-5 ans).

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La réforme des programmes, combinée à ces épreuves anticipées de décembre, ne va-t-elle pas pénaliser cette première promotion PACES ?

Patrick Berche

  • J'espère que non.

    Pour Paris Descartes, le programme de sciences fondamentales demeure identique ou très proche de celui de l'an dernier (physique/chimie, biologie cellulaire, biochimie...). Les modifications substantielles portent surtout sur les matières spécifiques aux différents concours qui ont évolué (anatomie, maïeutique, odontologie, pharmacie). Les bio-statistiques ont également été rajoutées.

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Divers instituts, les "écuries", proposent d'assister les étudiants dans leur préparation aux épreuves du concours.
Que peuvent faire les étudiants qui ne disposent pas de moyens suffisants pour s'inscrire auprès de tels organismes ?

Patrick Berche

  • Je ne suis pas personnellement favorable à l'émergence de ces « officines », même si l'on peut leur reconnaître comme intérêt l'apport d'une méthodologie et un entraînement au travail à des étudiants qui manquent souvent de maturité et d'expérience en la matière.

  • A Paris-Descartes, nous mettons en place un tutorat gratuit pour les PACES - qui vient en aide aux étudiants - organisé bénévolement par des étudiants de PCEM-2 et DCEM-1 ayant réussi le concours.

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Combien d'étudiants se sont inscrits en PACES cette année dans votre faculté ?

Patrick Berche

  • Pas plus que les années précédentes (en incluant la pharmacie), soit environ 3.200 étudiants.

  • Il est vrai que l'on attendait un afflux de candidats avec la réforme, mais ce n'est pas le cas cette année à Paris-Descartes.

    L'afflux sera peut-être pour l'année prochaine. Il semblerait en effet que certains candidats - par l'intermédiaire des « officines » ou « écuries » - aient choisi de ne pas se présenter au concours cette année mais de suivre une année « P0 » en quelque sorte. Cela leur permet de ne pas gâcher leurs deux chances mais de mieux se préparer à ce « nouveau » concours.

Capcampus

Proposez-vous à vos étudiants la possibilité de consulter les cours sur internet ?

Patrick Berche

  • Les cours magistraux de la PACES, organisés à l'UFR des Sts Pères, sont pour la première fois cette année filmés et mis en ligne.

  • Nous avons une bonne expérience des cours en ligne. Depuis 4 ans, tous les cours magistraux de PCEM-2 et DCEM-1 de la Faculté de médecine Paris Descartes sont filmés et mis en ligne le jour même sur notre site, soit un total de 1.500 heures pour les deux années. Chaque année, tous les cours sont renouvelés et réenregistrés. Près de 70% des étudiants les téléchargent, alors même qu'ils assistent à presque tous les cours, surtout en PCEM-2 (un peu moins en DCEM-1). L'utilisation d'un système de « streaming » permet aux étudiants de se positionner directement sur une diapositive en particulier et d'écouter les commentaires du professeur, sans devoir réécouter l'ensemble du cours. A partir de DCEM-2 à DECM-4, j'ai supprimé les cours magistraux et on ne travaille que par enseignements dirigés en petits groupes (<30 étudiants) et à l'hôpital à mi-temps. </li>

  • Les étudiants disposent également sur le site de la Faculté des supports pédagogiques, tels que les diapositives (sur présentations powerpoint). Les cours sont également diffusés en polycopiés, dont la plupart sont téléchargeables gratuitement. A quoi il faut ajouter les « ronéos » prises par les étudiants et diffusées par eux sur le site de notre très active Amicale des Etudiants (AMPC).

Capcampus

Est-il possible de changer de faculté de médecine pour réaliser sa deuxième année de PACES ?

Patrick Berche

  • Cela n'est normalement pas envisageable et demeure à la discrétion des facultés.

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Les chances de succès au concours, sont-elles identiques d'une faculté à l'autre ?

Patrick Berche

  • Cela n'est hélas pas le cas, en fonction du numerus clausus et du nombre d'inscrits dans chaque faculté.

  • Cela pose effectivement le problème des reçus-collés qui sont hélas nombreux, ce qui est très injuste car certains de ces collés pourraient potentiellement être de très bons médecins. A Paris-Descartes, le taux de réussite au premier concours est d'environ 15 % quand il est parfois de 30 % ailleurs.

    La moyenne du dernier reçu est supérieure à 13/20 alors que certains étudiants sont reçus avec moins de 10/20 dans certaines facultés - ce que j'appelle les « collés-reçus » - .

  • Un des moyens de contourner cet écueil serait peut-être de prévoir des passerelles inter-facultés. Cela permettrait à des étudiants reçus-collés dans certaines facultés d'avoir la possibilité d'être reçus dans d'autres Facultés françaises, selon des modalités restant à définir. On peut regretter que de très bons étudiants éliminés de la PAES puissent partir faire leurs études à l'étranger.

Capcampus

Pourriez-vous nous présenter quelques initiatives mises en place à Paris-Descartes ?

Patrick Berche

  • Nous avons mis en place plusieurs filières parallèles pour les étudiants reçus à la PAES, en sorte « d'ouvrir des portes » aux étudiants qui ont la capacité et le souhait de compléter leur formation. Certaines filières sont scientifiques : Ecole de l'INSERM et le parcours Médecine Sciences (dit MD-PhD) donnant accès à un master M2 et à une thèse d'Université. Il a deux ans, j'ai créé en partenariat avec l'ESSEC une formation « managériale » : c'est la filière Médecine-ESSEC, permettant à la fin du cursus médical d'accéder à des postes de responsabilité dans l'Industrie, dans les Agences sanitaires, nationales et internationales, à l'OMS ou à la Banque Mondiale... cette filière est gratuite pour nos étudiants (3-5 par an).

  • Nous sommes sur le point de mettre en place une nouvelle filière Médecine-Humanités, en partenariat avec l'Université Paris III, permettant le recrutement à des étudiants ayant une appétence pour les Sciences Humaines et Sociales. Le cursus comportera deux ans d'initiation « généraliste » (philosophie, littérature, épistémologie, sociologie, psychologie, histoire...). L'objectif est de former quelques étudiants chaque année qui pourront s'orienter vers des métiers divers, tels que la psychiatrie ou encore le journalisme...

  • Toutes ces filières sont sélectives, sur dossier et entretien. Nous ne souhaitons pas recruter plus de 10 étudiants par filière (sauf pour Médecine Humanités où les portes seront plus largement ouvertes).

Capcampus

Que pensez-vous du développement des filières européennes pour les études médicales et paramédicales, avec l'émergence notamment de la filière roumaine après l'engouement constaté pendant quelques années pour la Belgique par exemple ?

Patrick Berche

  • Le niveau de formation des futurs médecins n'est souvent pas comparable à celui proposé dans les Facultés de médecine françaises, mais permet néanmoins aux étudiants de venir ensuite se présenter au concours de l'internat en France, ce qui n'est pas sans poser problème.

  • Pour ce qui concerne la Roumanie, il faut noter qu'il ne s'agit pas à proprement parler de facultés mais davantage d' « officines » : ce sont des Facultés à but lucratif avec peu de stages hospitaliers - la base d'une bonne formation en médecine.