Interview de M. Gilles de Robien, Ministre de l'Education nationale et de la Recherche.

Découvrez le point de vue du Ministre de l'Education Nationale..

Publié le 17 novembre 2006

Monsieur Gilles de Robien, Ministre de l'Education Nationale et de la Recherche, nous présente sa vision du Ministère et du monde des étudiants...

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Comment envisagez-vous votre mission en tant que Ministre de l’Education ?

Gilles de Robien :
Si une phrase a marqué mon enfance, c’est celle que répétait sans cesse ma mère : « rends-toi utile, rends-toi utile... ». C’est ce que j’essaye de faire au Ministère de l’Education : rendre service aux autres. D’ailleurs, étymologiquement, un « ministre » n’est rien d’autre qu’un « serviteur »... C’est pourquoi je place avant tout mon action sous le signe du devoir et de l’intérêt général. Et je suis aujourd’hui très heureux de pouvoir servir l’Education nationale.

J’engage cette mission avec une réelle volonté de réconciliation car il me semble qu’il existe aujourd’hui un début de malentendu entre la nation et son école. Au delà de l’enseignement des savoirs toujours plus nombreux et techniques, la société demande désormais à l’école d’assurer des tâches qui ne sont souvent pas de sa seule compétence : l’apprentissage du respect, de l’hygiène, de la sécurité routière… Face à ces exigences croissantes, la Nation ne sait pas toujours reconnaître les efforts d’adaptation et d’évolution que le système éducatif réalise chaque jour grâce à l’ensemble de la communauté éducative et notamment grâce aux professeurs.

C’est dans cet esprit que j’ai abordé ma première rentrée scolaire en tant que Ministre avec optimisme et confiance. D’ailleurs d’après un sondage de l’institut CSA, 93% des parents d’élèves affirment que la rentrée 2005 s’est déroulée « dans de bonnes conditions ». C’est pour moi une preuve de plus de la qualité de cette grande administration.

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Pensez-vous qu’il faille avoir un profil particulier ?

Gilles de Robien :
Je ne suis pas un spécialiste de l’Education nationale et il me semble en l’occurrence que c’est un atout plus qu’un handicap. Mon rôle est d’être un bon chef d’équipe et d’être un homme de dialogue et de concertation pour que la politique rapproche les gens plus qu’elle ne les oppose lorsque le moment de décider arrive. Mais quoi qu’il en soit, quand on est ministre, on devient très vite un spécialiste du domaine qui vous est confié.

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Est-on Ministre de l’Education par vocation ?

Gilles de Robien :
Pas nécessairement. On peut l’être par vocation personnelle, bien sûr, mais aussi par simple volonté de servir la Nation. Et je ne pense pas exagérer quand je dis que je rends service. Or, je pense pouvoir mettre au service de l’école certaines de mes compétences. Au premier rang desquelles un certain sens des relations humaines. Ma méthode pourrait se résumer en quelques termes : dialogue, concertation, et consensus.
Et puis, je pense devoir mettre au service de l’Ecole une conviction : mon amour pour elle et pour le travail de ses professeurs. J’ai entendu dire parfois que l’actuelle majorité n’aimait pas l’Ecole. Je prouverai le contraire. On ne répétera jamais assez que l’avenir de notre pays se prépare au sein de l’Education nationale. C’est pour cela que je suis heureux qu’il s’agisse d’une priorité affichée du gouvernement ; c’est ce que traduit le budget 2006 de l’Education : la mission « enseignement scolaire » est la première de l’Etat, la mission « Recherche et enseignement supérieur » la quatrième.

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Quelles réformes de l’Education nationale vous semblent essentielles aujourd’hui ?

Gilles de Robien :
Tout d’abord, je préfère le terme « d’évolution » à celui de « réforme ». Et il ne faut pas croire que tout vient du bureau du ministre. Les évolutions positives que connaît l’Education nationale, sont d’abord le fait des établissements scolaires, de leurs directeurs et de leurs professeurs.
Mon prédécesseur a œuvré pour une importante loi d’orientation. Aujourd’hui, il m’appartient d’en déterminer les modalités d’application. C’est à nouveau le temps de l’action et des choix. Le fil conducteur de la mise en œuvre de la loi d’orientation, pour moi, c’est l’Egalité des chances : le Ministère va surtout œuvrer en faveur du soutien scolaire, des langues, de l’orientation professionnelle, des ZEP, de l’insertion des élèves handicapés et du remplacement des professeurs absents pour une courte durée. Une des prochaines évolutions importantes sera la définition du « socle commun de connaissances ».

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Pensez-vous que la réforme de l’Education nationale soit indispensable pour relancer le sentiment de citoyenneté et d’appartenance politique des Français ?

Gilles de Robien :
La cohésion sociale et le sentiment d’appartenance ne doivent pas rester des mots, ils doivent être tangibles, concrets. Aujourd’hui, avec la perte de nombreux repères, l’Ecole est devenue l’un des principaux acteurs de l’apprentissage du savoir vivre ensemble : lutte contre les discrimination et l’incivilité, respects des autres et de leurs différences... Elle doit dispenser les bases du civisme, par exemple lorsqu’elle enseigne la Marseillaise à ses élèves – tout en l’accompagnant, bien sûr, d’un rappel historique pour la resituer dans le contexte de l’époque où elle a été écrite. Cependant, il ne faudrait pas non plus tomber dans l’excès et tout demander à l’Ecole. Elle ne peut pas et ne doit pas se substituer aux familles. Ce n’est pas sa mission. Ni celle des professeurs.


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Le dialogue entre le Ministère de l’Education et les étudiants est-il, selon vous, satisfaisant ? Avez-vous des projets pour soutenir cette communication?

Gilles de Robien :
Dès mon arrivée, avec François Goulard, nous avons rencontré les associations étudiantes pour une première prise de contact. Nous nous sommes à nouveau rencontrés à la rentrée universitaire pour faire le point sur un certain nombre de dossiers. J’ai l’intention non seulement d’écouter mais aussi de les faire participer à l’action publique. Je vous donne un exemple. Je viens de proposer la création d’un groupe de travail qui puisse dresser chaque année un tableau fiable et actualisé des conditions de vie étudiantes. Il regroupera la Direction de l’Evaluation et de la Prospective du ministère, l’INSEE, l’observatoire de la Vie Etudiante, le CNOUS et les associations étudiantes si elles le souhaitent. C’est ensemble que nous créerons un outil de pilotage pour une politique sociale mieux éclairée en direction des étudiants.

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Si un étudiant demande à s’entretenir avec vous, l’acceptez-vous ?

Gilles de Robien :
Lors de chacun de mes déplacements, j’ai tenu à recevoir les délégations d’étudiants qui souhaitaient s’entretenir avec moi. Je tiens à ce contact direct. Ceci dit, il y a aujourd’hui 2.200.000 étudiants en France, si chacun d’entre eux souhaitait me rencontrer ne serait-ce qu’une demi heure, il faudrait 125 ans en ne faisant que cela 24H/24 et 365 jours par an !
C’est le rôle des associations d’étudiants de faire remonter aux ministres au plan national, aux recteurs ou aux présidents des universités au plan local les attentes et les propositions des étudiants.

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Il existe plus de mille associations à Paris. Encouragez-vous cette mobilisation étudiante ?

Gilles de Robien :
C’est un signe très positif de l’engagement des jeunes dans notre pays. Il montre que notre société et notamment sa jeunesse ne sont pas, comme on l’entend trop souvent, uniquement guidées par des préoccupations égoïstes et matérialistes. Je pense en particulier aux associations comme l’AFEV (Association Française des Etudiants Volontaires) qui vont, bénévolement bien sûr, dans les quartiers défavorisés pour faire du soutien scolaire. Ce type d’engagement est exemplaire !

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Que diriez-vous à ceux qui ne se sentent pas écoutés par leurs représentants ?

Gilles de Robien :
Je leur dirais de s’engager davantage encore, et notamment en étant plus présents au moment des élections étudiantes ! Un peu plus de 8% de taux de participation aux élections aux CROUS, ce n’est vraiment pas assez !


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Financement de l’ordinateur, du permis de conduire, de la première voiture, du premier logement loué, l'étudiant doit faire face à un dilemme « faible pouvoir d'achat, fort désir d'achat ». Le programme MIPE a démontré son efficacité. A quand des dispositifs équivalents pour le logement ou le permis de conduire ?

Gilles de Robien :
Le programme MIPE est en effet un succès : les étudiants se sont emparés de l’opportunité d’acquérir un micro portable dans des conditions optimales. Nous poursuivons notre effort pour leur apporter maintenant des services et des contenus plus performants. Concernant le permis de conduire à 1 € par jour pour les jeunes de 16 à 25 ans, vous avez vu qu’il venait d’être annoncé par Dominique Perben, le 3 octobre. Il prendra la forme d’un prêt à taux zéro de 1200 € au maximum, l’Etat prenant en charge les intérêts de l’emprunt et mettant en place un fonds de garantie pour que tous puissent y avoir accès quel que soit leur revenu.
La question du logement est cruciale pour les étudiants. Je sais la difficulté qu’ils rencontrent dans certaines académies pour trouver un logement leur permettant d’être pleinement autonomes. Jean-Pierre Raffarin avait demandé à Jean-Paul Anciaux de lui remettre un rapport sur le logement étudiant. Au vu des conclusions de ce rapport le gouvernement a décidé, il y a maintenant dix-huit mois, de mettre en œuvre un plan global en faveur du logement étudiant qui comportait deux mesures essentielles.
1. La construction de 50 000 chambres en 10 ans d’une superficie de 16 m2, soit 5 000 financées chaque année.
En 2004, le gouvernement a financé la construction de 5.500 logements sociaux pour étudiants et, Jean-Louis Borloo me le rappelait récemment, ces bons résultats devraient être confirmés en 2005. Nous tenons et dépassons même les objectifs que nous nous étions fixés. Je m’en réjouis car beaucoup de retard avait été accumulé à la fin des années 90.
Le Premier ministre a par ailleurs annoncé le 29 septembre dernier que le gouvernement utilisera des bâtiments publics en cours de cession pour la réalisation de logements étudiants. De même, dans la libération du foncier public, une priorité spécifique sera donnée au logement étudiant.
2. Deuxième mesure essentielle : La rénovation de 70 000 chambres en 10 ans, soit 7 000 par an. Jean-Louis Borloo, ministre en charge du logement, a présenté au Conseil National de l’Habitat le projet de décret qui déplafonne l’Allocation Logement Solidarité pour les résidences qui ont été rénovées.
Concrètement, cela signifie pour un étudiant boursier que l’aide de l’Etat doublera et passera de 50,03€ à 102,19€. Pour une chambre rénovée d’un coût moyen de 200 euros, cela signifie un soutien de 102 euros au lieu des 50 euros actuels pour une chambre non rénovée.

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Université versus grandes écoles : quelle est votre vision / position ?

Gilles de Robien :
Pardonnez-moi, mais je conteste l’expression université versus grandes écoles. Nous avons un système d’enseignement supérieur dual, c’est vrai. C’est une richesse, pas une difficulté ; je suis attaché à faire vivre cette exception culturelle d’autant que les Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES, inscrits dans le projet de loi de programme pour la recherche, permettront justement de dépasser les rivalités qui, ici ou là, peuvent encore se manifester et de créer les indispensables synergies entres les universités et les Grandes écoles. Les spécificités des unes et des autres vont, je le crois, impulser un enrichissement mutuel et la création de grands espaces de recherche et de formation. Cela sera un plus pour la qualité de notre système de formation et donc un plus pour nos étudiants.

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Egalité des chances : n'est-il pas plus facile d'être étudiant à Paris comparé à Toulon par exemple ?

Gilles de Robien :
L’égalité des chances, c’est permettre à qui le souhaite et a les capacités pour le faire, d’entrer et surtout de réussir dans notre enseignement supérieur, pour accomplir un parcours de formation jusqu’à la vie professionnelle. C’est notre objectif pour l’ensemble des bacheliers de notre pays. Sur la question « Est-il plus facile d’être étudiant à Paris qu’ailleurs ? », je crois que chaque ville a ses spécificités, ses avantages et ses inconvénients, et donc qu’on ne peut pas vraiment faire de classement.


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Avec la réforme des diplômes, le clivage ne va t-il pas également apparaître au niveau de la valeur des diplômes selon l'université qui le délivre?

Gilles de Robien :
La mise en œuvre des cursus « Licence – Maîtrise – Doctorat » ne change rien à la valeur du diplôme délivré par telle ou telle université, qui reste, je tiens à le rappeler des diplômes nationaux dont le plan de formation a été, à chaque fois, agréé par le Ministère de l’Education Nationale. En revanche notre nouveau système de formation permet de valoriser des parcours étudiants, rendus plus souples, plus ouverts sur le monde de l’entreprise, plus en adéquation avec les formations que proposent nos partenaires européens, au delà du seul diplôme, et çà, c’est une vraie avancée pour nos étudiants.
Nous devons construire l’Europe de l’enseignement supérieur, c’est une condition indispensable de la construction européenne des 50 ans à venir. Pour cela la mise en place du LMD est une étape indispensable. Les universités et l’ensemble de la communauté ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’en à peine trois ans et exclusivement sur la base du volontariat, pratiquement l’ensemble des universités a adopté ce nouveau dispositif. Cet été, les IUT et les écoles d’architectures ont adopté le LMD. Ils seront prochainement rejoints par les instituts d’études politiques et les écoles de journalisme.

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Si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous pour aider les étudiants ?

Gilles de Robien :
Je leur donnerai une information parfaite et complète sur tout ce que leur permettra de faire le cursus qu’ils envisagent de choisir et aussi sur ce qu’ils ne pourront pas faire.
Aujourd’hui, trop d’étudiants choisissent une filière sans véritablement connaître les difficultés qu’ils rencontreront et les débouchés réels qu’ils pourront avoir trois, cinq ou huit ans plus tard. La conséquence nous la connaissons : aujourd’hui plus de deux étudiants sur cinq sortent de l’université sans diplôme au bout de deux ans. Nous devons profondément améliorer l’information et l’orientation des étudiants pour qu’ils puissent choisir en toute connaissance de cause leur formation supérieure.

Tous nos remerciements à M. De Robien.

Priscilla Rouyer