o Vous
Capcampus
Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?
Claude BERNHARD
J’ai la fierté d’être diplômé de l’école
que je dirige maintenant depuis près de 3 ans. Ma formation d’ingénieur
est complétée par un doctorat de l’Université Louis
Pasteur de Strasbourg, en sciences et techniques de l’eau. J’ai
eu la chance de m’investir dans le métier de chercheur dans le
domaine des ouvrages hydrauliques et de stockage des déchets au CEMAGREF
pendant une dizaine d’année après la thèse. Cette
période a aussi été l’occasion d’obtenir le
diplôme de l’ENGREF Paris avec un travail de fin d’étude
mené aux Etats-Unis sur la gestion des déchets. En parallèle,
j’ai enseigné l’hydraulique dans différentes écoles
d’ingénieurs en région parisienne. En 1994, je suis revenu
à Strasbourg en tant que directeur des études de l’ENGEES,
tout en continuant à m’investir dans des activités d’enseignement
et de recherche. De 1998 à début 2003, j’ai rejoint le service
de l’eau et de l’assainissement de la Communauté Urbaine
de Strasbourg comme directeur adjoint en charge des dossiers stratégiques
de modernisation de service et des schémas directeurs d’eau potable
et d’assainissement. Confronté à des pollutions accidentelles
sur le réseau public d’eau potable, j’ai pu mesurer la difficulté
de la gestion de crises avec les élus et les usagers de service public.
Depuis mars 1993, me voilà revenu à l’ENGEES en tant que
directeur… en fait, je n’ai jamais vraiment quitté cet établissement,
puisqu’en toutes circonstances j’y ai enseigné depuis maintenant
près de 20 ans !
Capcampus
Quel est le profil nécessaire pour être un bon Directeur ?
Claude BERNHARD
C’est une question qu’il faudrait plutôt poser à mes
étudiants, collaborateurs et partenaires… je pense néanmoins
qu’il est bon de posséder au préalable une expérience
réelle de l’enseignement supérieur et de la recherche, une
bonne connaissance du milieu professionnel du ressort de l’école
sans compter l’aptitude au management des hommes et des ressources, le
goût de la communication et du contact avec les étudiants.
Capcampus
Quelle a été la décision la plus difficile que vous ayez
prise en tant que directeur ?
Claude BERNHARD
Renvoyer un étudiant après une année de redoublement sans
avoir réussi à le remettre en selle. C’était humainement
très dur mais la défense de la qualité de notre diplôme
sur le marché du travail était en jeu.
o L’Ecole
Capcampus
Pouvez-vous nous présenter votre Ecole et ses spécificités
?
Claude BERNHARD
L’ENGEES est avant tout une école d’hydraulique qui a vocation
à former des ingénieurs directement opérationnels dans
les domaines des équipements des collectivités (eau potable, assainissement,
déchets), de l’aménagement du territoire et de la gestion
des services publics. Le terme ‘environnement’ qui apparaît
dans l’intitulé de l’établissement ne fait pas seulement
référence au milieu naturel qu’il s’agit de préserver
dans les opérations d’aménagement ou d’équipement.
Il concerne aussi l’environnement économique, juridique et social
dont il s’agit de tenir compte pour la réussite des projets d’ingénierie.
L’enseignement de l’ENGEES est adossé à des laboratoires
de recherche qui traduisent cette réalité puisque nous avons une
unité de recherche centrée sur l’hydraulique urbaine, une
autre sur l’aménagement du milieu naturel et une troisième
en économie et sociologie. Les débouchés de l’ENGEES
sont ouverts à la fois sur le secteur public d’Etat (ingénieurs
des travaux ruraux du ministère chargé de l’Agriculture),
des collectivités et du secteur privé (sociétés
délégataires de services publics, bureaux d’études,
entreprises de travaux).
Capcampus
A partir de quelle(s) procédure(s) recrutez-vous vos élèves
?
Claude BERNHARD
Tout d’abord, je voudrais préciser que l’ENGEES ne se résume
pas à la seule formation d’ingénieurs, nous offrons un ensemble
cohérent de formation initiale et continue.
En formation initiale, l’offre se décline au sein du L-M-D par
deux licences professionnelles en co-habilitation avec l’Université
Louis Pasteur de Strasbourg (Protection de l’Environnement – Agriculture
Durable), quatre spécialités de masters (dont trois avec l’ULP
et une avec l’INPL et l’Université Henri Poincaré
de Nancy). Les procédures d’admission sont celles des universités
en co-habilitation.
La formation initiale d’ingénieur reste néanmoins le point
central de l’établissement. Nous recrutons principalement à
ce niveau sur Concours Commun Polytechnique (filières MP, PC, PSI) et
sur concours commun G2E (filière BCPST). Pour une promotion de 80 étudiants,
14 places sont réservées à des admissions sur titres (BTS,
DUT , DEUG, licence, maîtrise) et 4 à la promotion interne de techniciens
du ministère de l’Agriculture. Toutes filières confondues,
plus de 3100 candidats se sont présentés pour admission en formation
d’ingénieurs l’année dernière, la sélection
est rude… le diplôme d’ingénieur est aussi ouvert par
la Valorisation des Acquis de l’Expérience (VAE).
En formation continue, l’ENGEES offre trois mastères spécialisés
(MS) labellisés par la Conférence des Grandes Ecoles. Ces formations
s’adressent à un public de professionnels en activité, en
recherche d’emploi ou à des jeunes diplômés en continuité
de formation initiale. La sélection se fait sur dossiers.
Enfin, une cinquantaine de sessions de 1 à 3 jours de formation continue
non diplômante sont ouvertes à un public de professionnels en activité.
On trouvera davantage de renseignements sur notre site interne www-engees.u-strasbg.fr
Capcampus
Avez-vous des projets à réaliser à court terme (fonctionnement
de l’école, ouverture à l’international…)?
Claude BERNHARD
Nous sommes engagés dans un ambitieux projet de rapprochement avec l’Université
Louis Pasteur de Strasbourg (ULP). Il s’inscrit dans la politique de pôles
de compétences locaux d’enseignement supérieur et de recherche
développée par le Ministère chargé de l’Agriculture
depuis mai 2004. Pour la mise en œuvre, l’environnement scientifique
local est mis à contribution pour développer un centre transfrontalier
visible au niveau européen favorisant la reconnaissance et l’attractivité
internationales. L’ENGEES pourrait trouver sa place dans un PRES associant
les autres partenaires locaux d’enseignement supérieur et de recherche
à l’échelle de l’Alsace. Le Ministère chargé
de l’enseignement supérieur a par ailleurs clairement validé
les hypothèses de création des Fédérations d’Enseignement
et de Recherche (FER). L’ENGEES aurait vocation a y être aussi associée
sur Strasbourg.
La dynamique est très forte, nous envisageons de constituer une fédération
regroupant l’ENGEES avec l’ensemble des formations d’ingénieurs
internes à l’ULP. Cette fédération formant plus de
950 étudiants dans son ensemble couvrirait un large champ disciplinaire
avec des possibilités des synergies intéressantes entre les formations
qui garderaient cependant leur identité propre. Le point fort serait
l’adossement à la recherche et le rayonnement international offerts
par l’ULP qui est une des rares universités françaises à
figurer au classement des 100 meilleures universités mondiales établi
par l’Université de Shanghai.
Capcampus
Quel est le positionnement international de votre Ecole ?
Claude BERNHARD
L’école est accréditée ERASMUS pour la période
2003-2007 et dispose de plusieurs accords de partenariat avec des établissements
d’enseignement étrangers, formalisés par des conventions
de collaboration, avec des universités au Royaume Uni, en Espagne et
avec l’Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II de
Rabat. Les liens historiques de coopérations se sont maintenus avec l'EIER
de Ouagadougou et ont récemment été renoués avec
Madagascar.
Garantir une visibilité et une compétitivité au niveau
international constitue aujourd’hui l'enjeu majeur pour le positionnement
de l’ENGEES. D’où la politique du rapprochement universitaire
permettant d’apparaître dans la compétition internationale
au sein d’un ensemble de taille suffisante et doté d’une
recherche reconnue. Les partenariats internationaux à établir
à ce niveau se situent essentiellement dans les pays du Nord (Europe
occidentale, Amérique du Nord) ou émergeants (Chine, Mexique,
PECO). Le partenariat passe en premier par des liens établis par la recherche,
l’échanges de stagiaires, de doctorants ou d’enseignants
– chercheurs. Priorité est donnée dans la stratégie
de l’ENGEES aux relations de proximité transfrontalières.
Le partenariat à entretenir avec les pays du Sud relève avant tout d’une mission de coopération mais l’objectif est de développer des échanges équilibrés et profitables à la fois à l’ENGEES et au partenaire du pays du Sud. Le volet d’aide humanitaire n’est pas oublié mais s’effectue surtout par des associations d’étudiants que l’école encourage.
Capcampus
Selon vous, comment faire face à la compétition américaine
qui place toujours ses écoles parmi les meilleures ?
Claude BERNHARD
Les critères d’excellence retenus pour le classement des établissements
d’enseignement supérieur à l’échelle internationale
portent en gros sur la production de la recherche et sur les moyens disponibles.
La qualité de l’enseignement qui est difficile à évaluer
est supposée être un corollaire de ces conditions nécessaires.
Sur ces bases, pour faire face à la compétition américaine,
il faut trois conditions :
- adosser résolument les établissements d’enseignement supérieur
à la recherche
- regrouper les forces d’enseignement et de recherche au niveau local
pour atteindre les masses critiques suffisantes
- donner des moyens aux établissements qui se situent aux mêmes
niveaux qu’aux Etats-Unis.
Les universités européennes qui respectent ces critères
sont dans la course et apparaissent dans les classements en bonne position.
En France, les écoles d’ingénieurs manquent en général
d’une taille et de l’adossement recherche suffisants. Les Universités
sont souvent aussi de taille insuffisante et manquent de moyens.
Il me semble cependant que nous assistons actuellement à une vraie prise
de conscience qui peut faire évoluer favorablement la situation.
Capcampus
Pouvez-vous nous citer trois arguments qui inciteraient les étudiants
à venir étudier dans votre Ecole ?
Claude BERNHARD
- notre secteur d’activité – l’ingénierie de
l’eau- qui est porteur d’avenir
- la reconnaissance de l’ENGEES par les milieux professionnels
- le dynamisme de l’environnement universitaire et de la recherche à
Strasbourg, très ouvert sur l’international
o L’enseignement supérieur dans l’actualité
Capcampus
On oppose souvent les formations universitaires aux Grandes Ecoles, pensez-vous
que seule la sélection fasse la différence ?
Claude BERNHARD
Ce n’est pas la sélection qui fait la différence, mais le
mode de sélection. Si l’on compare au niveau Master, la sélection
effectuée par l’université est certainement aussi forte
qu’en école d’ingénieur. Simplement, elle s’exerce
en continu à l’université pendant le premier cycle alors
que pour les écoles elle se fait à l’admission en classes
préparatoires et ensuite le jour du concours. Et pour enseigner à
la fois en école d’ingénieur et en master à l’université,
je peux témoigner que les étudiants restant en course sont dans
les deux cas des jeunes de qualité.
La différence, c’est qu’en général les étudiants
d’école d’ingénieur sont issus des classes préparatoires
avec un enseignement très complet et encadré mais avec peu d’ouverture
sur la recherche, alors que les étudiants en université bénéficient
dès le 1er cycle d’enseignements plus variés et dispensés
par des maîtres de conférences et des professeurs exerçant
une activité de recherche.
Si nous voulons peser dans la compétition internationale, il faut dépasser
le clivage entre écoles et universités par des pôles locaux
de compétences associant les deux composantes et en facilitant les passerelles
pour les étudiants dans les deux sens (admissions sur titres universitaires
en école d’ingénieur, admissions d’élèves
ingénieurs en master dans le cadre de voies d’approfondissement,
poursuite d’études doctorales à l’issue du diplôme
d’ingénieur).
Capcampus
Pensez-vous que l’excellence française appartienne au passé
?
Claude BERNHARD
Non, à nous d’y travailler, la compétition reste ouverte.
Je ne suis d’ailleurs pas convaincu que si l’on avait évalué
dans le passé les établissements français suivant les standards
actuels, ceux ci auraient brillé davantage dans la comparaison internationale.
Dans le passé, le classement s’établissait au niveau national
suivant des critères de prestige souvent liés aux grands corps
techniques de l’Etat. Cette époque est révolue, le formatage
des standards d’excellence n’est plus fixé par les normes
sociales hexagonales à un moment où l’Europe se construit
et se positionne face aux autres grandes puissances mondiales.
Interview des directeurs des écoles et organismes de formation, de ministres et politiques impliqués dans l'éducation, de DRH ou Dirigeants d'entreprises . Témoignages d'élèves ou d'anciens élèves. Tel est le programme de cette rubrique !