Les météorites martiennes fournissent des informations essentielles sur l'histoire magmatique et climatique de la planète rouge, qui pourraient aussi nous renseigner sur les conditions de formation de la croûte terrestre. Encore faut-il connaître leur contexte géologique d'origine. D'où l'intérêt des résultats qui viennent d'être publiés dans la revue Nature Communications, par une équipe internationale impliquant des chercheurs et chercheuses de Géosciences Paris-Saclay (CNRS/Université Paris- Saclay), de l'Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (Sorbonne Université/CNRS/Muséum national d'Histoire naturelle/IRD), de Géosciences Environnement Toulouse (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier/CNES/IRD). Leurs travaux ont permis de localiser le site d'éjection de la plus ancienne roche d'origine martienne connue, la météorite Black Beauty.
Les météorites martiennes sont les seuls échantillons de Mars auxquels les scientifiques ont accès en laboratoire pour le moment. Elles fournissent des informations essentielles sur l'histoire magmatique et climatique de la planète rouge. Cependant, la valeur scientifique de ces données est limitée tant que les chercheurs ignorent le contexte géologique de ces roches, le lieu précis d'où elles proviennent sur Mars.
Parmi ces météorites martiennes, Black Beauty (NWA 7034) est un échantillon unique, une
« brèche d'impact », c'est-à-dire une roche formée par l'accumulation de fragments d'autres roches plus anciennes concassées, avec une histoire complexe et comprenant les fragments de Mars les plus anciens datés à ce jour. Déterminer l'origine de cet échantillon constituait donc un défi particulièrement excitant qui vient d'être relevé.
Une équipe de recherche menée par le chercheur Anthony Lagain1, de Curtin University en Australie, a d'abord mis au point un algorithme de détection automatique de cratères d'impact, appliqué à des images à très haute résolution couvrant l'ensemble de la surface de Mars.
Grâce à l'accès au superordinateur le plus rapide de l'hémisphère sud, le Pawsey Supercomputing Centre, basé à Perth, en Australie occidentale, plus de 90 millions de cratères d'impact ayant jusqu'à 50 m de diamètre ont été identifiés en moins de 24 heures.
À partir de ce jeu de données unique, les auteurs de l'étude publiée ce 12 juillet dans Nature Communications, ont d'abord identifié dix-neuf candidats potentiels parmi les plus récents impacts à la surface de Mars susceptibles d'avoir éjecté un fragment de croûte vers la Terre, grâce à la présence de cratères secondaires liés à la retombée des éjectas de l'impact, indice de la fraîcheur des impacts. Puis, en comparant les propriétés géologiques des terrains déterminées grâce aux sondes spatiales en orbite autour de ces dix-neuf candidats avec l'histoire géologique de la météorite, ses propriétés géochimiques et géophysiques, le choix s'est restreint sur un unique candidat : le cratère Karratha (nommé pour l'occasion, en référence à la ville du même nom située en Australie Occidentale, non loin des roches terrestres les plus anciennes connues à ce jour). Ce cratère est situé à proximité de la dichotomie martienne et du dôme volcanique de Tharsis.
Le contexte géologique d'un échantillon martien disponible sur Terre ayant enregistré les environnements les plus anciens de la planète est ainsi accessible, dix ans avant que la mission Mars Sample Return de la NASA ne renvoie des échantillons collectés par le rover Perseverance qui explore actuellement le cratère Jezero.
La météorite en question est une brèche d'impact issue de la croûte ancienne de la région de Terra Cimmeria-Sirenum. Cette région, occupant 10 % de la surface martienne, montre des affinités avec une croûte de type continental, observée sur Terre aujourd'hui. Black Beauty serait donc le représentant d'un important fragment de croûte martienne, dont la composition reflète des mécanismes pétrogénétiques différents de ceux à l'origine des basaltes qui dominent le reste de la surface de Mars.
Cette découverte pourrait motiver l'envoi de sondes en orbite ou de rovers dédiés à l'exploration de cette région martienne si particulière, ce qui permettrait de lever le voile sur les conditions de formation de la croûte terrestre, conditions dont notre planète a perdu toute mémoire en raison de de la tectonique des plaques et de l'érosion.
Références
https://www.nature.com/articles/s41467-022-31444-8 - doi 10.1038/s41467-022-31444-8
1 Antony Lagain a démarré ces travaux pendant sa thèse dirigée par le Professeur Sylvian Bouley au Laboratoire Geops (CNRS/Univ. Paris-Saclay)
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