L'IGAENR a rendu public son rapport[1] sur l'enseignement supérieur privé. Ce rapport, très bien documenté, vient éclairer les relations entre l'Etat et l'enseignement supérieur privé et doit contribuer à renforcer la qualité du dialogue entre les parties prenantes. Un état des lieux et une stratégie pour l'avenir étaient en effet nécessaires, dans un monde où l'enseignement privé est de plus en plus présent, en particulier dans le secteur de l'ingénierie.
L'enseignement supérieur privé en France représente 18,3 % des effectifs avec une augmentation bien plus rapide (+ 49 % en 12 ans) que celle du public (+4 %). Ce phénomène est mondial : plus de 75 % des étudiants sont dans le secteur privé au Japon, 36 % en Asie, 28 % aux Etats-Unis, et 50 % en Amérique latine. Cette augmentation touche bien évidemment aussi le secteur des écoles d'ingénieurs, qui ont vu dans le secteur privé augmenter leurs effectifs de 62 % en 12 ans, pour atteindre près d'un tiers de l'effectif total des élèves ingénieurs en France.
Si elles sont bien présentes dans le secteur de l'ingénierie, la mission de service public des écoles d'ingénieurs privées, qui ont par ailleurs les mêmes évaluations que les établissements publics (CTI et HCERES), n'est pas pleinement prise en compte par l'Etat.
Les écoles d'ingénieurs privées ont en effet particulièrement souffert de perdre le droit de délivrer des masters internationaux qui contribuaient au dynamisme de leur action internationale et à l'attractivité du territoire français.
Elles déplorent en outre les exigences de la DGESIP de plus en plus élevées alors que les dotations de l'Etat diminuent. Les établissements peinent à dégager des perspectives nouvelles. Les frais de scolarité deviennent une variable d'ajustement qui atteint désormais ses limites : on a pu constater des hausses de 8 à 14 % des droits d'inscription dans certaines écoles d'ingénieurs durant la période 2010-2014 supportés par des familles qui contribuent déjà lourdement à l'effort national. Les familles des étudiants inscrits dans l'enseignement supérieur privé sont aussi des contribuables qui financent l'enseignement public sans en bénéficier.
Des limites existent aussi en matière de capacité d'accueil, de filières et de spécialisations, d'ouverture sociale. Le financement public reste fragile et discrétionnaire, celui assuré par les collectivités territoriales reste faible, l'apport des CCI baisse. Le rapport souligne la contribution indirecte aux établissements privés que constituent les bourses. Ce montant de 163 millions est considéré comme une contribution publique, analyse que nous contestons ! D'une part, ce financement est éloigné du coût de revient réel de la formation, d'autre part, pour être comparable avec la situation des étudiants dans l'enseignement public, pourquoi ne pas l'affecter au coût de vie de l'étudiant plutôt qu'à la formation ?
La taxe d'apprentissage, quant à elle, représente en moyenne 6,5 % du financement global des établissements. Le rapport souligne le lien fort entre enseignement supérieur privé et monde industriel et indique que l'étudiant du supérieur privé serait financé à hauteur de 1326 euros par an par la taxe d'apprentissage.
Là encore, nous contestons l'analyse. La ressource est inégalement distribuée entre les établissements et le moyenne devrait être assortie d'un paramètre de dispersion pour éclairer la diversité des situations. On constate un financement intégral pour certaines formations alors que pour d'autres, le financement par le barème est souvent inférieur à 200 € par étudiant.
Par ailleurs, la mise en œuvre du label EESPIG constitue une avancée. Il permet de reconnaître la prise en charge des missions de service public par les établissements privés non lucratifs. Nous déplorons cependant un manque d'audace sur ce sujet. En effet, ce label doit ouvrir de nouveaux droits pour des établissements. La proposition du rapport d'un contrôle supplémentaire d'un EPSCP pour la délivrance de diplômes nationaux « afin de ne pas porter atteinte directe au privilège de collation des grades » n'est pas novatrice puisque ce dispositif existe déjà pour tous les établissements privés qui souhaitent délivrer des masters internationaux. En revanche, l'octroi de ce droit de délivrer un grade ou un diplôme national pour les EESPIG nous semble légitime puisque la qualité de ces établissements est reconnue par des labels et visas (en particulier la validation de la CTI pour la délivrance du diplôme d'ingénieur, validation instruite à l'identique des établissements publics).
Enfin, pourquoi conserver une incompatibilité entre le statut d'établissement d'enseignement supérieur consulaire de la loi du 20 décembre 2014[2] et le label EESPIG ?
En conclusion, nous voulons d'abord souligner que ce rapport marque une évolution positive, celle d'une reconnaissance de la légitimité des établissements d'enseignement privé en France. Avec les restrictions évoquées, nous ne pouvons que déclarer notre accord à la plupart des propositions, en particulier celle qui vise à rendre transparente la politique contractuelle, stabiliser l'environnement juridique et les règles financières pour les EESPIG.
[1] LOI n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives
[1] Rapport N°2015-047, L'enseignement supérieur privé : Propositions pour un nouveau mode de relation avec l'Etat, juin 2015
[2] LOI n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives
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