Comment définiriez-vous le projet du logement intergénérationnel ?
C'est un projet fondé sur la générosité. Avec un double objectif : éviter la solitude des personnes âgées et de proposer aux jeunes des logements accessibles financièrement car les jeunes n'ont pas les moyens de se loger dans le parc privé en règle générale. Notre association est aussi basée sur la solidarité. Ce mode de logement profitent aux deux car les personnes âgées ne sont plus isolées et les jeunes peuvent avoir un logement.
Ar'toit 2 générations et cultures a été créé en 2005, pourquoi avoir choisi ce créneau ?
Suite à la grande sècheresse de 2003 qui a été un révélateur de l'abandon des personnes âgées. Mais aussi par nécessité économique, on voit que les familles se sont séparées : les jeunes sont partis pour le travail dans les villes et les personnes âgées se retrouvent alors seules. Avant, la société était basée sur un regroupement familial : la personne âgée s'occupait de l'enfant pendant que les parents travaillaient. Sensibilisé à la situation des jeunes depuis toujours, je faisais partie d'une association de parents d'élèves, j'ai pu constater que je connaissais bien cette situation. J'ai alors pris connaissance de ce qui se pratiquait en Espagne avec le logement intergénérationnel. J'ai donc été dans les premières personnes, avec Catherine Vautrin (association Un toit 2 générations à Nîmes), a offrir ce type de logement en France.
Jusqu'à présent, combien avez-vous pu créer de « binômes » ?
En 9 ans, nous avons créé sur la communauté urbaine d'Arras 90 binômes, soit 10 par an sur une commune de 42 000 habitants. Nous avons récemment fusionné avec Un Toit à Partager, une association de Lille afin de donner une dimension plus professionnelle à notre association et se donner les moyens de l'étendre dans la région et dans les communes universitaires du Nord.
Quelles conditions faut-il remplir afin de pouvoir proposer un logement ?
Il faut prendre contact avec l'association. Ensuite, on vous envoie un dossier de candidature à nous retourner avec une lettre de motivation et la signature de la charte. Cela nous permet ainsi de faire une première sélection et d'enlever les demandes fantaisistes. Après la lecture du dossier, on reçoit les personnes individuellement : les jeunes viennent dans les locaux de l'association et pour les personnes âgées, nous allons directement chez elles afin de constater leur maison et de voir si elles peuvent accueillir ou non un jeune ; on en profite également pour connaître son quotidien et voir les soucis de santé éventuels. Quand la candidature est recevable, on se met dans la perspective d'offrir un binôme en fonction des goûts de chacun. Nous proposons ensuite à la personne âgée de choisir entre plusieurs candidats qui ont le profil qui lui correspond. Par exemple, il m'est arrivé d'avoir une personne âgée qui ne voulait qu'une fille. Pourtant, nous avions la candidature d'un jeune homme tout à fait correct et nous lui avons proposé les deux : elle a choisi le garçon (rire). La phase de préparation est fondamentale. C'est à ce moment que l'on explique comment cela va se dérouler, qu'on pose les cadres et quand tout est expliqué et compris tout se passe bien. Cela prend beaucoup de temps mais cela garanti la réussite.
L'étudiant peut obtenir un accueillant dès son inscription ou doit-il répondre à certains critères ? Si oui, lesquels ?
Il n'y a pas vraiment de critères. Le jeune doit avoir moins de 27 ans quoi qu'il arrive, mais il peut être étudiant, en recherche d'emploi, stagiaire, en alternance ou primo salarié. Il doit adhérer au logement intergénérationnel : doit être présent agréable serviable. Les jeunes n'ont pas les garanties nécessaires pour trouver un logement et les bailleurs ne leur donne pas vraiment le choix..
Quand est-il de la personne âgée : que doit-elle fournir obligatoirement au jeune ?
Les personnes âgées doivent proposer une chambre avec un lit, une étagère, un bureau et une lampe de bureau. Elles doivent aussi avoir Internet pour que le jeune puisse travailler. Mais maintenant, c'est plus facile et les jeunes se débrouillent toujours.
Lorsque vous vous êtes lancé en 2005 peu d'associations proposaient cette approche ; avez-vous eu du mal pour trouver des personnes âgées prêtes à accueillir des jeunes ?
Quand on a créé l'association, on pensait avoir une avalanche de demande de la part des personnes âgées mais en fin de compte c'était l'inverse : on a eu beaucoup de demande des jeunes mais pas de personnes âgées ! Dans le nord, il y a une forte relation familiale et de voisinage donc les personnes sont moins isolées que dans le sud. La société s'individualise et la crise économique changent beaucoup la donne et je pense que l'on verra de plus en plus de personnes âgées seules.
Combien dure le temps d'engagement lorsqu'un binôme se crée ?
Pour un stage, la durée d'engagement est de trois mois. Ainsi, pas de contrainte ! Les personnes âgées se sentent souvent responsables et cela leur suffit dans la durée. Pour une année universitaire l'engagement est de septembre à juin. A quelques exceptions près, on peut renouveler pour un an mais ce n'est pas souhaitable. En effet, nous avons eu une jeune fille qui était en première année à l'université, loin de sa famille et donc isolée, qui habitait chez un couple. Lors de la deuxième année, elle a pris de l'autonomie et s'est dégagée de ses responsabilités : elle découchait souvent et ne dormait parfois qu'une nuit par semaine chez le couple. Cela ne convenait plus ; elle n'avait plus l'esprit de partage. Sinon, pour les jeunes salariés, au bout d'un an ils obtiennent leur CDI et ils sont alors assurés de trouver un logement plus facilement.
Avez-vous déjà rencontré des cohabitations qui ne se sont pas bien passées ? Pourriez-vous me donner un ou plusieurs exemples réels ?
Oui ! Bien souvent parce que le jeune a posé des problèmes. On a eu des difficulté avec des filles et leurs problèmes alimentaires. Nous avons aussi eu une jeune fille qui faisait venir des personnes la journée pendant que la personne âgée était à l'extérieur. Mais nous avons aussi parfois des problèmes venant des personnes âgées notamment avec une qui s'est rendue compte qu'elle préférait son indépendance et ne pensait pas que cela ferait autant de changement dans sa vie.
Quelles conclusions tirez-vous de votre expérience ?
Cela fait 9 ans que j'y travaille et j'y crois de plus en plus. On en vient à l'économie partagée et aujourd'hui l'avenir est devant nous. C'était très dur au départ mais maintenant on se rend compte qu'on a bien senti les choses. Les jeunes ont besoin de ce lien avec les personnes âgées et les personnes âgées sont conscientes des difficultés que rencontrent les jeunes : elles veulent les aider à leur échelle.
Association Ar'toit 2 générations et cultures
16 Boulevard Carnot
62000 Arras
Aurélie JULIEN
Comprendre la colocation. Trouver un logement étudiant moins cher en partageant celui-ci avec un autre étudiant. Vive la colocation !