Vous savez quoi ?
Personne n'est parfait. THOMAS DUTRONC qui est musicien, eh oui, le sait bien, et à 34 ans, se fend d'un premier album.
Les biographies d'artistes, on connaît. Plus c'est « Cosette Tirejus » ou « Je-suis-né-dans-la-Rue », plus ça fait joli. Avec Thomas, ça ne va pas être possible. Il ne lit pas plus dans les étoiles qu'il ne fume de gros cigares, mais son truc tabou, son message personnel vous sautent au visage dès le premier abord. Une main fine et ferme, deux grands yeux bleus espiègles, pas de quoi se vanter ! Ni se plaindre, d'ailleurs...
Donc, de lui, on sait déjà ça. Et, plus vaguement, qu'il donne dans la musique ou sur les bords. Erreur ! Pas vaguement, encore moins sur les bords : carrément par les chemins de traverse. La zique, Thomas s'est faufilé entre ses gouttes tant bien que mal jusqu'à 17 ans, mais à 18, bac en poche et fac d'art en cours, elle lui a brusquement fondu dessus en formidables bourrasques. Pas de celles qui viennent par vent d'ouest en vagues pop ou rock, non, lui, c'est de plus loin vers l'est et dans le temps que ça lui vient : des roulottes Rom et des campements sauvages tout fumant de jazz manouche !
Une vraie conversion, doublée d'une longue, humble et patiente initiation...
Bref, en quelques années de totale immersion, Thomas ne vit plus qu'en maltraitant dans l'allégresse ses malheureux dix doigts (moins un, qui reste obstinément en l'air, sans doute par esprit de contradiction) sur les cascades de notes brûlantes jadis déversées sur une planète blême d'ébahissement par un Django Reinhardt aussi désinvolte qu'intouchable. Vous parlez d'une ascèse dans un monde formaté à la minute de vide vendue au kilo de pub ! Mais Thomas n'en a cure. Tout à la fois la proie et l'aiguillon de sa passion, il va son chemin, gagne ses galons et le respect de ses rudes pairs (tel Bireli Lagrene, qui est à Django ce que Stevie Ray Vaughan est à Jimi Hendrix, excusez du peu !) au fil d'un itinéraire à cloche-pied borné par les bistros d'apaches et force détours partout où les combats de coqs se règlent à grands jets de guitares de tous bois...
Et quand Thomas ne joue pas à perdre haleine avec ses amis manouches, il bricole des chansons avec ses copains d'enfance, parce ça le travaille aussi, évidemment. Et petit à petit, les expériences acquises et les rencontres de hasard aidant, tout ça le mène vers un spectacle fait de pans de rêves éparpillés, de sketches foutraques, de bouts de ficelles incandescentes et, surtout, surtout, de fraternelle créativité : « THOMAS DUTRONC et les ESPRITS MANOUCHES »...
Au départ, le disque n'existait même pas à l'état de projet secret : c'était juste qu'à un moment, il faut bien faire entendre des bouts de ce qu'on mitonne aux gens que ça concerne... Et comme de bout en bout, le temps a passé, et que 75 représentations de plus en plus torrides en deux ans l'ont comblé, ce qui n'était que grappes de samples et d'extraits est devenu le disque que voila, et qui ne ressemble à rien de connu ou d'identifiable de ce côté ci de la musique populaire : un camaïeu incroyablement dense d'instrumentaux bouillants et de chansons libre-songeuses , comme tombé du ciel avec une grâce d'acrobate, absolument dévolu à l'ardente fantaisie, à la folie douce d'un artiste au faux air de jeune homme sage mais aux charmes méga frappeurs : THOMAS DUTRONC...
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