Louis a retrouvé son nom. De famille, plus exactement, ce qui atteste d'une nouvelle vie de chanteur à l'intérieur d'une autre vie, plus large et plus indéfinie. Météo plus clémente. Eclaircie sur le répertoire de Louis-Ronan Choisy. Celui qui chantait « Les enfants du siècle », titre état des lieux de son album précédent, semble être sorti cette fois des entrailles suintantes de la vie interlope dans laquelle, archange de minuit, il faisait pourtant merveille. Coup de soleil sur un destin qui a pris le chemin inattendu du cinéma de François Ozon et a rassemblé Louis-Ronan Choisy. Identité plein soleil pour jouer sans être pour autant comédien, bronzé, lunaire plus que désinvolte, impeccablement Rohmérien, sans pathos, aucune cicatrice lisible à l'œil nu et pourtant cette douce gravité des garçons de plage au fond du regard. L'album « Rivières de plumes » ressemble à ce premier profil de cinéma. Un nouveau disque pour Louis. Ouaté, liquide, cotonneux, humide. Alternance d'eau et de nuages. A l'image de la chanson « Des flocons dans l'eau », ballade éminemment Viscontienne, preuve que le cinéma s'est immiscé cette fois avec plus de précision dans la pop nostalgique et intemporelle de Louis. On se souvient tout à coup de ce que l'on avait oublié. Cette fascination pour Leonard Cohen, le prêcheur d'une chanson apparemment toujours malade, plus exactement souffrante mais toujours éclairée. Une chanson qui survit, éternelle, plus forte que la mort. « La rencontre » instant mystique comme une spéculation sur la création selon Louis qui brille dans son adaptation de « Death of a ladies'man » du tandem Spector-Cohen justement. Autre hommage aussi. Celui à « Gaspard David Friedrich », chef de fil de la peinture romantique allemande du 19ème siècle et qui tisse un lien grâce à Louis entre chanson et visions picturales, avec lucidité rousseauiste à la clé. Abime mystique, contemplation, hypnose, pour exprimer la petitesse humaine perdue dans l'infini. Louis Ronan Choisy, fils du soleil est encore parfois à la recherche de son centre de gravité. La nature a ainsi sauvé le divin pop. Ce nouvel album sent les embruns vivifiants, enveloppant des mélodies qui sortent ainsi du sous-sol pour débarquer sur la terre ferme. Une plage française, océanique pour la santé des morceaux. Une plage italienne ensuite, pour la dolce vita en brasse coulée dans des compositions nées parfois chez Ennio Morricone, au repos sous une ombrelle nostalgique. Impression vécue dans « Une rose en sémaphore », friction espagnole contre western italien. Louis semble être devenu chef opérateur, maîtrisant parfaitement la lumière du cinéma pour mieux en faire profiter ses chansons. Ainsi « 20 000 lieux sous les neiges », plongée en apnée dans le vertige de la pop presque californienne. Beach boy bouddhiste le temps d'une chanson. Louis-Ronan Choisy a « choisi » une tonalité unique pour réaliser « Rivières de plumes » avec son complice Frédéric Fuchs. Fait en famille, à la maison ou presque... Constance du mid tempo, mixage très compact, au plus serré, façon Beatles des premiers albums pour semble-t-il opérer le climat romantique et éthéré des textes. C'est le cas de « Un funambule », mythe d'Orphée revisité dans un climat napolitain, avec ces pluies acides de guitares électriques, clé de ce disque entre ciel et mer. Voici de fait le disque d'un homme amoureux. Ballade entêtante, « Les amoureux du printemps » indique le chemin. Mais Louis sait rappeler que le sentiment amoureux peut également déchirer et il chante tout à coup « Le mépris », chanson de rupture sidérante de par sa capacité à rendre la cruauté suffisamment sensuelle. C'est aussi la grande nouveauté de ce disque. La voix de Louis a trouvé un autre son. Plus doux, moins démonstratif façon dandy, et cette fois dans la pure langueur de l'empire des sens. Louis chante mieux et moins. La voix pleine de chair s'abandonne. Comme en ouverture du disque avec l'adaptation très libre du tube « Just a friend of mine » du groupe Vaya con Dios, où Louis par sa présence au micro, offre à sa voix une portée instrumentale qui pose l'univers du disque. « Quand j'irai voir Dieu », c'est aussi cette façon d'affirmer mine de rien que ce siècle des interdits qui est le nôtre ne pourra jamais faire l'économie de ce besoin viscéral qu'a l'homme d'être un jouisseur amoureux. Louis a donc réalisé un disque d'une spiritualité innée. Cela peut faire sourire, c'est certain. Mais ici la spiritualité n'est pas de saison, elle ressemble plutôt à la contemplation encore cinématographique façon « Into the wild » de Sean Penn. Il s'agit donc bien d'un disque de cinéma. Définitivement. Né dans la matrice du film de François Ozon « Le refuge », le disque s'est vite affranchi de ce seul scénario pour en inventer d'autres. Cela donne aussi des chansons pour les radios et c'est bien. La pop, en effet. C'est la grande affaire de Louis depuis toujours. Encore peut être davantage depuis qu'il s'est réapproprié un nom. « Copenhague » avec ses fondations « Spectoriennes » montre que la candeur et la légèreté de Louis sont restées aussi intactes. Tout comme son dandysme né dans « le velvet underground » qu'il nous offre à nouveau avec « L'homme de cire », tube parfait qui fait la synthèse -réussie entre Louis et Louis Ronan Choisy. Au final cet album est un disque entre deux noms, deux époques, deux styles, deux vies déjà. Respectivement rassemblé par le choc amoureux. La preuve d'un disque moderne. Très moderne.
Didier Varrod
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