Riff Cohen est née en 1984 à Tel Aviv et y a grandi dans « une atmosphère bohème ». Elle est la fille aînée d’Israël et de Patricia Cohen qui tenaient une galerie d’art et un café dans la rue Shenkin, l’une des plus animées de la ville. La famille de son père est originaire de Djerba en Tunisie. Sa mère est née à Tlemcen en Algérie, mais a passé son enfance à Nice. C’est dans cette matrice culturelle méditerranéenne et nord-africaine qu’elle a été élevée. Patricia est aujourd’hui professeur de yoga et écrit des poèmes dont certains ont été mis en musique par sa fille. Avec des études de piano et de danse dès l’âge de 4 ans, des cours d’art dramatique à 6, Riff aurait pu faire une overdose de gammes, de tirades, d’entrechats. Mais piquée au jeu de l’art et de l’expression, elle se lance dans la composition à 8 ans. Suivront d’autres études et de nombreux projets. Rock, electro, musiques du monde, chant classique indien ou européen, son vocabulaire s’enrichit au gré des expériences. Elle en vient rapidement à signer des musiques pour le théâtre et le cinéma. Également comédienne, on la voit dans des séries télévisées ou des films dont l’adaptation du roman de Valérie Zenatti La Bouteille A La Mer de Gaza. En 2008, Riff s’installe à la Cité Internationale des Arts pour créer. De retour chez elle après 3 ans passés en France, elle s’attelle au répertoire de l’album A Paris, qu’elle va produire elle-même, tout en faisant des apparitions remarquées sur scène, dont la première partie des Red Hot Chili Peppers au Parc Hayarkon de Tel Aviv l’automne dernier.
L’un des visuels de l’album A Paris- recto de la pochette israélienne- est une photo en noir et blanc de sa grand-mère paternelle Fortuna, prise à Djerba la veille de son mariage alors qu’elle avait 14 ans. Tout un symbole. Car cet album traduit à la fois un enracinement et une liberté que cette image d’une autre époque résume à merveille. Farouche et innocente, d’une féminité sans fard, d’une détermination sans faille, telle est l’expression de cette jeune fille. Telles sont les vertus de cette musique qui prend à rebours tous les genres avec une bienveillante et souvent rigolote désinvolture. Si on pense aux Rita Mitsouko en écoutant Sur le Macadam, à Brigitte Fontaine dans Une Femme Assise, c’est que ces deux référencesfont sens depuis que Riff a repris sur scène Marcia Baila des uns et Le Nougat de l’autre. Alors chanson française désorientée ou rock orientalisé? Les deux, forcément, tant les mots de Patricia à l’imaginaire enfantin, aux rimes en coq à l’âne et en ricochets, tiennent en parfait équilibre sur des cordes de guitares très sixties, quand elles ne sont pas suspendues à celles d’un luth arabe à l’identité traditionnelle. Dans Mon Quartier célèbre cette harmonie des genres dans une jubilatoire promiscuité qui accueille, entre autres, des filles qui ont « les cheveux hirsutes » et des garçons qui « portent parfois des jupes ». Quand bien même Riff est-elle obligée de conclure que ce quartier « reste à inventer», on trouve dans J’aime confirmation d’un même esprit ouvert à tout et à tous, mais qui entend rester lui-même. C’est bien ce qui enchante dans ce disque, cet art du zapping enraciné qui passe du marrant néo yéyé de Je Cours à la belle et grave psalmodie de Tzama Nafshi, de la ballade onirique de Chut... à la transe de Hine Ha Or, du français au nubien et à l’hébreu, de Gossip à Lili Bonniche. C’est ainsi qu’on traverse dans A Paris cette modernité caractéristique de notre époque, qui rend tout à la fois disponible et ludique en quelques clicks. Mais on y traverse aussi la rue, celle où vivent les vrais gens avec de vraies histoires, où l’on éprouve de vraies sensations.
A Parisce fut d’abordune chanson où Riff Cohen partageaitsa vision très personnelle, orientale et africaine, de la capitale. Le clip, visionné près de 800 000 fois sur YouTube, a pour ainsi dire établi sa réputation en Israël et au delà.
On y voit cette jeune chanteuse à la frimousse épanouie engagée dans une danse du ventre sur les quais de Seine, les trottoirs et dans les bistrots. Images d’une bonne humeur qui gagne des gens issus de différentes communautés. Sans chercher à jouer les blanches colombes de la paix ou les émissaires de la réconciliation, Riff Cohen, tel le joueur de flûte d’Hamelin, réussit comme par enchantement à entraîner dans le sillage de cette rengaine accrocheuse un échantillon du monde tel qu’il est aujourd’hui, multiple et bigarré.
A Parisc’est aujourd’hui un premier album, à peine sorti en Israël et déjà classé parmi les meilleures ventes du pays, où Riff Cohen fait irruption sur la scène musicale hexagonale avec une énergie, une fraîcheur, une fantaisie qui font du bien. Un disque de 14 titres qui se parcourt comme un marché aux épices, où l’on est assailli d’odeurs et de couleurs, où l’on fait des rencontres improbables, où l’on entend des histoires à rêver debout en étant aspiré dans un tourbillon sonore qui échappe à la stérilité fébrile de notre époque. Car A Paris a beau découler de différentes sources musicales, procéder d’un bric-à-brac où se côtoient rock et variété orientale, chanson française et rythmes gnaouas, folk et psaume biblique, il n’en affirme pas moins une cohérence intimement liée au récit familial de la chanteuse qui lui évite ainsi le pastiche ou le photocopiage de styles antérieurs.
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