« C’est le disque qui me ressemble le plus » : Roberto Alagna a rarement dit en aussi peu de mots un enthousiasme aussi fervent pour un nouvel album. « Je vais le chanter jusqu’à la fin de mes jours. Il va devenir mon image. Je ne renie pas mon premier amour, l’opéra, mais je voudrais que, désormais, quand on pense à Roberto Alagna, on pense à ces chansons siciliennes. Quand je ne pourrai plus chanter l’opéra, je pourrai toujours monter sur scène et parler ces chansons ! »
Pour la première fois, le plus grand ténor français enregistre un répertoire qu’il pourrait chanter tous les jours sans jamais se lasser – « ces chansons sont en moi ». Car la première langue parlée par Roberto Alagna, mais aussi la première langue qu’il a chantée est le sicilien. Il ne cache pas non plus que Le Sicilien est une recherche d’identité : « Je me suis soudain senti sicilien en enregistrant ce disque, comme je m’étais soudain senti français en chantant La Marseillaise [le 14 juillet 2005, place de la Concorde]. C’est le disque d’un fils de Siciliens cherchant ses racines. »
Il est le premier de sa famille à être né en France et, pendant toute son enfance, son père chante à la fin des repas du dimanche et son oncle joue de la guitare. Rituellement, les derniers à être allés en Sicile apportent le pain, les anchois, les tomates séchées… « A l’époque, l’exil est encore proche. Et il n’y a pas de télé qu’il suffit d’allumer pour voir l’Italie et entendre la langue. Mes parents et leurs amis n’entendent parler sicilien que quand ils sont ensemble. Chanter est tout ce qu’ils ont pour se raccorder au pays. » D’où l’importance, pour ces Siciliens de France, d’un répertoire populaire dont une bonne partie parle, justement, de la terre aimée et de l’exil.
On chante donc beaucoup ces tarentelles, ces valses, ces berceuses en sicilien chez les Alagna. « Puis j’ai mis de côté ces chansons parce que j’ai travaillé l’opéra. Je n’y ai plus pensé mais, quand on vieillit, on revient aux racines. J’ai senti un appel, essayé une, deux puis trois chansons. Et je me suis rendu compte qu’il y a là un grand répertoire. » Un grand répertoire ignoré, surtout. La Sicile n’a pas été aussi comblée que Naples par la gloire musicale. Par rapport à tous les O sole mio et autres grands airs napolitains sur lesquels toutes les voix d’opéra (et même Elvis Presley) se sont enivrées d’aigus avantageux, la richesse du répertoire sicilien a été toujours sous-estimée. « J’ai l’impression qu’on ne connait que la tarentelle en costume folklorique, avec le tambourin et la guimbarde. Pourtant, la chanson sicilienne est très belle, très noble. Elle est d’un curieux éclectisme, qui tient à la position stratégique de l’île, par laquelle sont passés les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Normands... Dans la musique, on entend des influences grecques, espagnoles, arabes ou françaises, il y a beaucoup de valses lentes mais aussi des rythmiques franchement orientales. »
Mais pas question pour autant d’enregistrer un disque de musique traditionnelle : « J’ai voulu de la chanson classique, à l’égal du tango, du jazz ou de la bossa nova. » Pour cela, Roberto Alagna fait appel une fois encore à Yvan Cassar, qui avait déjà réalisé l’album C’est magnifique, son incursion dans le répertoire de Luis Mariano. « Qui suis-je pour faire un disque de musique traditionnelle sicilienne ? », lance d’emblée le producteur. « Les chansons sont magnifiques, les mélodies sont incroyables et je profite de la connaissance qu’a Roberto de ce répertoire pour le transmettre de manière plus universelle. »
Roberto Alagna a enregistré les chansons en direct dans le studio, entouré de quelques musiciens, puis Cassar les a habillées : des cuivres festifs sur Lu mircatu, un accordéon presque « bords de Marne » pour Sicilia bedda, une flûte de bambou et des percussions orientale pour Carritteri, des parfums de Grèce dans la mélodie à trois temps de Li pira, une allègre mélancolie à la mandoline pour Si maritau Rosa… tout cela révèle une Sicile aux couleurs fortes et toujours changeantes, une Sicile à la poésie radieuse ou déchirante mais toujours ivre de sentiment. Yvan Cassar avoue volontiers que, ses deux grands maîtres étant Ennio Morricone et Nino Rota, il a « découvert qu’ils avaient beaucoup écouté la musique sicilienne ». Alors, comme pour offrir une universalité encore plus flagrante à certaines de ces mélodies anonymes du folklore sicilien, comme Mi votu e mi rivotu, il les a habillées de bois et de cordes dans la grande tradition de la musique de film italienne. Et comment résister à des humeurs de cinéma en arrangeant Parla piu piano, la célébrissime chanson du Parrain, seule chanson en italien de tout l’album ?
A part celle-ci, tout est chanté en sicilien, avec la prononciation de Syracuse. « Chaque ville a son accent, rappelle Roberto Alagna. Quand les chansons venaient de Palerme ou de Messine, je les ai transposées en syracusain avec mon frère Frédérico, qui connait mieux que moi ce répertoire. Il a aussi adapté certains textes pour qu’un homme les chante, ou pour qu’ils soient plus actuels. » Roberto Alagna en est convaincu : « Il va se passer quelque chose avec ce disque, même en Sicile. Jamais un chanteur classique ou même un chanteur de variétés ne s’était intéressé à ce répertoire. » Et on va découvrir la puissance, l’entrain et la ferveur de la tarentelle, par exemple avec Abballati, étourdissante chanson à danser qui a toutes les qualités d’un tube populaire d’aujourd’hui.
ROBERTO ALAGNA – Biographie.
La carrière de Roberto Alagna a des airs de roman. Né en France dans une famille sicilienne tout le monde chante, il se découvre très jeune une vocation de chanteur. Pendant des années, il chante le soir dans les cabarets en s’accompagnant à la guitare. Son jardin secret, c’est l’opéra, et son idole, c’est Pavarotti. Aussi, lorsque le ténorissimo vient à Paris signer des dédicaces dans un grand magasin, le jeune Alagna se glisse dans la foule, parvient à l’approcher, à lui dire quelques mots. Les mots justes, sans doute, car le voici invité à une audition par le maestro. Il s’y rend, et gagne son billet pour la finale du Concours Pavarotti à Philadelphie. Qu’il remporte. Nous sommes en 1988, il a vingt quatre ans.
La voix d’Alagna alors est celle du ténor lyrique italien rêvé. Glyndebourne le veut en Alfredo de La Traviata. Puis ce sera Monte Carlo, et très vite La Scala. Le Duc de Mantoue (Rigoletto), Alfredo (La Traviata), Rodolfo (La Bohème) le font découvrir au monde. En quelques années, il se fait acclamer sur toutes les grandes scènes internationales, de New York à Vienne et Londres.
En 1994, sa prise de rôle du Roméo de Gounod (Roméo et Juliette) est un coup de tonnerre. Sa diction, sa noblesse dans le chant français le font entrer de droit dans l’histoire de l’opéra. En 1995, il reçoit pour cette incarnation la plus haute distinction théâtrale britannique, le Prix Laurence Olivier. Fêté dans le répertoire italien, il devient unique et indispensable dans le répertoire français. Il fait renaître Don Carlos en français en 1996, puis interprète Des Grieux, Werther, Faust, Don José et même Edgard de Lucie de Lammermoor avec un succès constant.
Dans les années 2000, il ajoute à son répertoire les maîtres-rôles de l’opéra italien et poursuit avec enthousiasme son exploration des rôles français, notamment la redécouverte d’opéras oubliés. A cette curiosité répond celle de compositeurs contemporains : Vladimir Cosma lui écrit sur mesure le rôle de Marius dans Marius et Fanny créé à Marseille en 2007 avec son épouse Angela Georghiu, et son frère David écrit pour lui Le Dernier Jour d’un Condamné, créé en septembre de la même année.
La discographie de Roberto Alagna reflète l’étendue de sa curiosité musicale. D’abord sous contrat exclusif avec EMI, il grave les piliers du répertoire français et italien. En 2004, il signe en exclusivité avec Deutsche Grammophon. Son premier album chez DG, Roberto Alagna chante Luis Mariano, en devenant double disque de platine, lui offre une notoriété dépassant les frontières de l’art lyrique.
Le DVD occupe une place majeure dans cette discographie. Roberto Alagna y fait valoir toute sa palette dramatique dans des rôles très divers (L’Elixir d’Amour, Aida, Cyrano, I Pagliacci) Le metteur en scène Benoît Jacquot lui demande d’incarner Mario dans la version cinématographique de Tosca (2001).
Adopté par un large public, il apparaît sur les plateaux de télévision où il donne la réplique à des chanteurs de variété, il participe à des concerts caritatifs (Michael Jackson & Friends) ou à des événements d’exception – en 2002 et 2003, il chante pour le Pape à Rome. Le 14 juillet 2005, il chante La Marseillaise sur les Champs Elysées, face à la tribune officielle.
Son agenda pour les années à venir comporte des prises de rôle majeures (Andrea Chénier, Turridu) et des incursions dans la chanson sicilienne (un disque à paraître en novembre 2008, et une tournée). Il y a fort à parier qu’il y ajoutera les idées imprévisibles et les coups d’audace qui, depuis ses débuts, font de son itinéraire artistique une incomparable aventure.
La carrière de Roberto Alagna a des airs de roman. Né en France dans une famille sicilienne tout le monde chante, il se découvre très jeune une vocation de chanteur. Pendant des années, il chante le soir dans les cabarets en s’accompagnant à la guitare. Son jardin secret, c’est l’opéra, et son idole, c’est Pavarotti. Aussi, lorsque le ténorissimo vient à Paris signer des dédicaces dans un grand magasin, le jeune Alagna se glisse dans la foule, parvient à l’approcher, à lui dire quelques mots. Les mots justes, sans doute, car le voici invité à une audition par le maestro. Il s’y rend, et gagne son billet pour la finale du Concours Pavarotti à Philadelphie. Qu’il remporte. Nous sommes en 1988, il a vingt quatre ans.
La voix d’Alagna alors est celle du ténor lyrique italien rêvé. Glyndebourne le veut en Alfredo de La Traviata. Puis ce sera Monte Carlo, et très vite La Scala. Le Duc de Mantoue (Rigoletto), Alfredo (La Traviata), Rodolfo (La Bohème) le font découvrir au monde. En quelques années, il se fait acclamer sur toutes les grandes scènes internationales, de New York à Vienne et Londres.
En 1994, sa prise de rôle du Roméo de Gounod (Roméo et Juliette) est un coup de tonnerre. Sa diction, sa noblesse dans le chant français le font entrer de droit dans l’histoire de l’opéra. En 1995, il reçoit pour cette incarnation la plus haute distinction théâtrale britannique, le Prix Laurence Olivier. Fêté dans le répertoire italien, il devient unique et indispensable dans le répertoire français. Il fait renaître Don Carlos en français en 1996, puis interprète Des Grieux, Werther, Faust, Don José et même Edgard de Lucie de Lammermoor avec un succès constant.
Dans les années 2000, il ajoute à son répertoire les maîtres-rôles de l’opéra italien et poursuit avec enthousiasme son exploration des rôles français, notamment la redécouverte d’opéras oubliés. A cette curiosité répond celle de compositeurs contemporains : Vladimir Cosma lui écrit sur mesure le rôle de Marius dans Marius et Fanny créé à Marseille en 2007 avec son épouse Angela Georghiu, et son frère David écrit pour lui Le Dernier Jour d’un Condamné, créé en septembre de la même année.
La discographie de Roberto Alagna reflète l’étendue de sa curiosité musicale. D’abord sous contrat exclusif avec EMI, il grave les piliers du répertoire français et italien. En 2004, il signe en exclusivité avec Deutsche Grammophon. Son premier album chez DG, Roberto Alagna chante Luis Mariano, en devenant double disque de platine, lui offre une notoriété dépassant les frontières de l’art lyrique.
Le DVD occupe une place majeure dans cette discographie. Roberto Alagna y fait valoir toute sa palette dramatique dans des rôles très divers (L’Elixir d’Amour, Aida, Cyrano, I Pagliacci) Le metteur en scène Benoît Jacquot lui demande d’incarner Mario dans la version cinématographique de Tosca (2001).
Adopté par un large public, il apparaît sur les plateaux de télévision où il donne la réplique à des chanteurs de variété, il participe à des concerts caritatifs (Michael Jackson & Friends) ou à des événements d’exception – en 2002 et 2003, il chante pour le Pape à Rome. Le 14 juillet 2005, il chante La Marseillaise sur les Champs Elysées, face à la tribune officielle.
Son agenda pour les années à venir comporte des prises de rôle majeures (Andrea Chénier, Turridu) et des incursions dans la chanson sicilienne (un disque à paraître en novembre 2008, et une tournée). Il y a fort à parier qu’il y ajoutera les idées imprévisibles et les coups d’audace qui, depuis ses débuts, font de son itinéraire artistique une incomparable aventure.
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