Au Pays Basque, Pierre se dit Peïo. C’est dans cette région que le musicien du même nom a ses attaches, ses souvenirs. Il y a quelques années, il y fut même maître-nageur. Souvent, celui qui vit désormais à Amiens aime y retourner pour s’adonner à sa deuxième passion, le surf. Sa première, il la nourrit depuis des années, porté par une motivation sans failles : vent debout contre les obstacles, Peïo promène sa musique aux quatre coins de France, propose ses chansons aux labels, multiplie les concerts. On l’a aperçu en première partie de Zebda ou Jehro. On l’a vu fouler les scènes de l’Alhambra, de la Bouche d’Air, du Sentier des Halles ou de la Lune des Pirates. En Bretagne à Tinténiac, on l’a vu embraser une foule de 4000 personnes.
Petit à petit, il rédige les chapitres d’une histoire musicale qui se prolonge aujourd’hui avec la sortie d’un premier album joliment intitulé L’Ombre et La Lumière. « Peïo c’est un projet partagé avec Alex, un auteur-compositeur que j’ai rencontré à Amiens. Nous avons joué dans plusieurs formations puis nous nous sommes retrouvés en face à face, avec l’envie d’écrire à deux de belles chansons. » Des chansons qui seraient autant inspirées du lyrisme de bleu pétrole d’Alain Bashung que des albums envoûtants de Rokia Traoré.
Une fois les chansons dans ses poches, le duo part graver le tout sur bande à Paris, s’entourant en studio d’une troupe de collaborateurs : il y a là Seb Martel (Camille, M), le batteur Toma Milteau, le guitariste Pierre Sangra (Thomas Fersen) et le réalisateur Dominique Ledudal (Tryo, Vincent Delerm, Jp Nataf). Une famille nombreuse qui sied parfaitement à l’éclectisme de Peïo, musicien aux idées larges et à la discothèque polychrome : sur l’île déserte, le jeune homme emporterait aussi bien les miracles acoustiques de Feist que les harmonies vocales d’Elliott Smith, la pureté des musiques africaines, que le folk du Ben Harper des commencements. « Il y a quelques années, j’ai eu la chance de rencontrer Ben Harper dans les loges de l’Olympia. Son guitariste m’a encouragé à ne pas me contenter du statut de fan, et à défendre mes propres chansons. » Monsieur a eu du flair : évoquant tour à tour l’immigration (De Gibraltar), l’Afrique noire (le très beau Femmes Peules) les joies de l’existence (Rose), les injustices ou les histoires d’amour, les morceaux de L’Ombre et La Lumière ouvrent aujourd’hui grandes les portes de la chanson française, lui insufflant une belle authenticité, la faisant flirter avec les musiques du monde (Sally) ou le jazz (Un Homme aux pieds d’argile). Capable aussi bien de chanter des ritournelles taillées pour la radio (Rose, Petite Fleur) que d’oser de vrais épisodes aventureux (La Source), le musicien envoie valser étiquettes et formats. Avec délicatesse, il soigne les textes tout au long de l’album, laissant transparaître son engagement en finesse, sans jamais céder aux sirènes du discours péremptoire. Son disque, au final, ressemble à ce monde métissé dont il chante les louanges sur le superbe D’où je viens- un titre qu’on aurait bien envoyé, en single, au Ministère de l’Identité Nationale.
Preuve supplémentaire du talent du jeune homme : il y a quelques semaines, en mettant en musique le poème L’Attrape-rêves de Michel Butor, Peïo remportait le concours du Printemps des Poètes présidé par Christian Olivier des Têtes Raides. A quand le prochain podium ?
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