« Il faut les jouer avec le cœur et les émotions, il faut essayer de revenir dans l'enfance ». Avec sa gentillesse et son sourire désarmants Nemanja Radulovic explique sa vision des Quatre Saisons de Vivaldi. Revenir dans l'enfance, lui qui, à 25 ans se définit encore comme un grand enfant. Pour Nemanja, les Quatre Saisons, ce sont d'abord des souvenirs de Serbie, quand il avait 3-4 ans. Il se souvient de sa découverte de l'hiver, très froid dans son pays, ou encore de l'été avec ses premiers orages. Aujourd'hui il imagine les Quatre Saisons comme le déroulement d'une vie. Une vision romantique du temps qui passe.
Et pourtant enregistrer les quatre concertos de l'Opus VIII de Vivaldi n'a pas été une évidence. Nemanja a longtemps hésité, comme s'il n'assumait pas la notoriété de Vivaldi .
Il se souvient de la première fois où il a interprété les Quatre Saisons, avec l'ensemble Double Sens, composé pour moitié de musiciens Français et Serbes. C'était il y a 3 ans aux Flâneries Musicales d'Eté de Reims. Puis l'idée d'un enregistrement est venue l'année suivante, à l'issue d'un concert à Auvers-sur-Oise.
« Plus je jouais ces pièces-là, plus j'avais envie de les enregistrer parce que c'est une œuvre sublime, magnifique, où je prends énormément de plaisir ». Dès lors, s'est posée la question de l'interprétation. Nemanja voulait une version qui lui ressemble. « Une version un peu jeune, avec de nouvelles sonorités ».
Comme pour Mozart, il reconnaît que la musique de Vivaldi est plus compliquée qu'il n'y paraît. Plus riche aussi, avec une immense palette de possibilités. Il a laissé libre cours à son imagination. Surtout avec les Double Sens. « Ils sont disponibles, à l'écoute de ce qu'on leur propose. Avec eux on peut se permettre des choses que l'on ne pourrait pas avec d'autres ensembles ». Nemanja reconnaît que sa version des Quatre Saisons a énormément évolué depuis celle jouée à Reims. En dépit de la double nationalité de l'orchestre, il n'y a pas eu d'approche différente des Quatre Saisons. Les styles de jeu puisent chacun dans leurs racines propres, mais la volonté était commune. « Chercher encore plus loin dans la partition. On a enregistré avec simplement 2 ou 3 violons certains passages dans le Printemps ou dans l'Eté. Ce sont des expériences qui se sont faites petit à petit dans le travail avec l'orchestre ». Nemanja a également joué sur les tempi. Comme dans le troisième mouvement du Printemps. Au lieu de l'allegro, il s'engage dans un adagio. « J'imaginais le lever du soleil, puis à la fin le coucher, tandis qu'entre les deux, à l'intérieur ça bouge, on retrouve l'allegro. »
Nemanja reconnaît que jusqu'à présent il a toujours été respectueux de ce que le compositeur a écrit. Mais avec Vivaldi, il a ressenti le besoin de faire vivre la musique avec ses propres convictions.
Cet enregistrement des Quatre Saisons est également le premier de Nemanja en studio. Après les live des Trilles du Diable et des Sonates de Beethoven, il s'est retrouvé face à des micros, sans public. Ce qui l'a obligé à parfois à se remettre en question. « Ma personnalité est comme cela. On enregistre, on écoute. Est-ce que c'est bon ? Il faut s'entourer de gens en qui on a confiance, et qui vous guident dans ces moments là ».
En complément des Quatre Saisons Nemanja a enregistré Spring in Japan 2011 de son compatriote Aleksandar Sedlar, qui a déjà composé pour lui. Nemanja était au Japon en mars dernier. Devant CNN il voyait les images du tsunami. Il a téléphoné à Aleksandar. « J'étais impuissant. J'avais envie de faire quelque chose. Je suis très lié à ce pays, je trouve que les gens sont merveilleux ».
C'est ainsi qu'est né Spring in Japan 2011, qui répond également à ses préoccupations liées au changement climatique. « Une première partie aux influences japonaises, avec une chanson d'amour. Puis un thème un peu vif avec les sirènes que l'on entend au violon, avant le tsunami ». Vient ensuite le calme complet. « Comme après un grand désastre ». Puis arrive le finale, très virtuose, qui annonce l'espérance du bonheur. Pour Nemanja, la grande qualité d'Aleksandar Sedlar est d'écrire une musique pour tous, à l'image de ce final que l'on mémorise dès la première écoute.
Jean-Michel Dhuez
En concert le 7 décembre à la Salle Gaveau, Paris
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