Aussi, une semaine avant Noël, le groupe parisien a eu l’idée d’offrir à son public une session filmée et diffusée en direct du studio Ze Living Room (www.zelivingroom.com), un concert « @ Home » (traduisez « à la maison ») pour les découvrir en live, en toute intimité. Une belle attention de la part des membres de Mary’s Dream qui réalisent ainsi leur souhait d’être au plus près de celles et ceux qui les soutiennent.
« La plupart des émotions, disait Bergson, sont grosses de mille sensations, sentiments ou idées qui les pénètrent. »
Ce pourrait être l’exacte définition de l’impression qu’on éprouve à l’écoute des chansons de ce premier album de Mary’s Dream. Des sensations multiples, empreintes de mélancolie poignante, de douceur fiévreuse et de violence suave, frisson et exaltation au diapason. Dès les premières notes, la musique de Mary’s Dream vous étreint, vous empoigne corps et âme pour ne plus vous lâcher. Comme une longue prière déchirante, une incantation bouleversante, entre plaisir et douleur,
spleen et quiétude.
Dans émotion, il y a aussi mouvement. A l’image de ce groupe qui, après dix années de gestation, réalise enfin son rêve : s’affranchir de toutes les contraintes, tous les obstacles, pour s’envoler enfin vers des horizons créatifs et grisants. Leur nom, Mary’s dream, n’a pas été choisi au hasard : il évoque l’aventure d’une jeune femme qui a fui jadis la dictature franquiste pour choisir librement son destin. Une jeune femme très proche du groupe, puisqu’elle est la mère d’un des musiciens.
L’histoire commence il y a un peu plus de 15 ans, au lycée Albert Camus de Bois-Colombes. C’est là, à l’occasion d’une jam session entre orchestres locaux, que se rencontrent et se choisissent Sandro Boschi et Christophe Foultier. Le premier est chanteur et guitariste, le second, bassiste dans le
meilleur groupe du lycée.
Tous deux sont fans de Pearl Jam et de l’école rock de Seattle. Ensemble, ils commencent à écrire et composer, redécouvrent les Beatles, élargissent peu à peu leur culture musicale au son de Sonic Youth ou Radiohead, mais aussi du néo folk de Lou Barlow et Damien Rice, ou de la new pop des Eels ou de Sufjan Stevens.
Le projet Mary’s Dream voit peu à peu le jour, renforcé par le violoncelliste Corentin Dalgarno et le batteur Sébastien Branchu. Un quatuor qui s’enrichit aussi des participations de Zoé Veighart aux choeurs, melodica et glockenspiel, et de Cédric Murat au Fender rhodes, orgue et synthé analogique.
Les chansons sont prêtes, maquettées, reste à les produire : c’est Lionel Gaillardin, collaborateur de
Benjamin Biolay et Keren Ann, qui se chargera de réaliser l’album, tout au long de sessions sporadiques aménagées pendant les temps libres laissés aux musiciens par leurs jobs alimentaires
respectifs.
Aujourd’hui, le résultat est là : quatorze morceaux réunis sous le titre-bilan de “10 Years” (la durée de gestation…) et emballés dans une pochette dessinée par Sébastien Mesnard, illustrateur fou… de Tim Burton.
Des chansons écrites et chantées en anglais (“à cause des sonorités” affirment les auteurs), à l’exception de trois titres en français, “Je pars”, “La route est longue” et “Psychologist”.
Des chansons comme autant de moments de vie, à propos d’amour et d’amitié d’espoirs et de doutes, de rencontres et de départs, à l’image du majestueux morceau d’ouverture, “September rainy
day”, dédié à un ami disparu, de “Tale”, conte mélancolique évoquant la vision alcoolisée d’un SDF , de “Psychologist”, écrite par Sandro en pleine déprime dans un hôtel minable de Malaga, ou de
“No rule”, inspirée à l’époque par l’élection de Bush.
Sentiments mêlés donc, serpentant de la rage métronomique de “Wrong direction” à la tension symphonique de “It kills me inside”, du blues limpide de “Whatever” aux envolées psychédéliques de “TOFA”. Le tout, entre cordes, percussions et claviers, porté par la grave voix de velours vibratile de Sandro, qui rappelle parfois celle d’un certain Eddie Vedder…
Un disque de folk-pop-rock lyrique et intrigant, à la noirceur lumineuse dans la veine d’artistes comme Thom Yorke, REM ou Madrugada, aux mélodies émouvantes à donner la chair de poule, fourmillant demille sentiments et sensations. C’est sûr, Bergson aurait applaudi des deux mains.
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