Madeleine Peyroux a parcouru bien du chemin depuis ses débuts.
Initialement connue pour ses talents d'interprète, la chanteuse s'était fixé un nouveau défi sur « Bare Bones », sorti en 2009 ; écrire la totalité des compositions d'un album.
Avec « Standing On the Rooftop », Madeleine s'aventure encore plus loin.
Elle ne se contente pas d'écrire la plupart des chansons du disque, mais remet également en question tout ce qu'on pouvait penser de sa musique jusqu'à présent, cherchant à repousser les limites de son identité musicale.
« Je voulais explorer de nouvelles sonorités » explique Peyroux. « C'était, en tant que musicienne, ce que je trouvais de plus excitant ; m'affranchir de la combinaison voix-guitare que j'enregistrais depuis toujours».
Peyroux n'a rien perdu de sa fascinante capacité à réinventer un texte et à lui donner du sens grâce aux nuances délicates de son chant. Mais avec ce disque, elle parvient à élargir sa palette musicale, adoptant un son organique qui plonge ses racines dans l'Amérique.
Il suffit d'écouter le titre donnant son nom à l'album pour entendre cette métamorphose. « Standing on the Rooftop » s'ouvre avec un rythme hypnotique qui court tout le long de la chanson comme les battements d'un cœur affolé. « Je me suis dit « c'est un arrangement intéressant, un peu à la Steve Reich », c'est harmoniquement riche. L'espace qui entoure les paroles, le temps prit pour passer d'une phrase à l'autre, ça me semblait être une évolution naturelle. »
Ou prenez la merveilleuse reprise de « Love in Vain » de Robert Johnson aux intonations envoûtantes, une chanson à laquelle elle a au départ hésité à se confronter. « J'ai grandi en écoutant les chansons de Robert Johnson, je me disais que c'était particulièrement difficile à reprendre », indique-t-elle. « Nous avons enregistré toutes sortes de versions ; nous voulions en restituer l'essence ».
Sur cecinquième album solo, Peyroux embrasse un large spectre musical allant d'une chanson délicate et apaisante, « Lay Your Sleeping Head, My Love » (adapté du poème de W.H.Auden du même nom) à un morceau minimaliste comme « Super Hero », en passant par un titre fantasque comme « Don't pick a Fight With a Poet ».
Peyroux consacra la plus grande partie de l'année 2010 à la composition et trouva l'exercice plus facile que la fois précédente. « J'avais l'impression que « Bare bones » était un coup d'essai », explique-t-elle. « Je savais avec précision ce que je voulais dire mais je n'étais pas toujours sûre de parvenir à me faire comprendre. Je pense qu'avec ces nouvelles chansons, j'ai fait particulièrement attention à la simplicité de l'écriture ».
Elle remit également en question ses propres méthodes. « Pour « Fickle Dove », j'ai commencé par la musique et non par les paroles. Je crois que c'est la première fois que j'ai fait cela ».
Peyroux a également composé avec d'autres artistes dont Bill Wyman, l'ex-bassiste des Rolling Stones. Ils s'étaient rencontrés à l'occasion d'une édition du festival Jazz à Nice. « Il était venu pour voir B.B.King », se rappelle-t-elle. « Il m'a dit « je suis un de vos fans. J'ai tous vos disques » A vrai dire, j'étais plutôt surprise ».
Cette rencontre les amena à se revoir à Londres et à écrire ensemble durant une semaine. « J'allais le voir tous les jours. On a travaillé sur pas mal de chansons. Il y avait des moments où il me racontait des anecdotes et je me disais « je suis assise en face d'un ancien Rolling Stones ! », mais il est vraiment humble et si gentil. Il a bu beaucoup de thé et moi, beaucoup de café ».
Ces sessions d'écriture à fort taux en caféine donnèrent naissance au délicieusement funky « The Kind You Can't Afford ».
Ses propres compositions tiennent la dragée haute à une poignée de reprises judicieusement choisies : « Love in Vain » donc, mais également une version empreinte de nostalgie du « I Threw It All Away » de Bob Dylan et une reprise au banjo de « Martha My Dear » des Beatles.
Au début de l'année, Peyroux est entrée en studio à New York avec le producteur Craig Street, connu pour son travail avec k.d.lang, Norah Jones et Cassandra Wilson.
On les avait déjà présentés l'un à l'autre plusieurs années auparavant. Street entra en contact avec Peyroux alors que cette dernière était en train de mettre la dernière main à ses chansons. « Nous nous sommes rencontrés à nouveau, et avons été immédiatement sur la même longueur d'onde ». Ils s'accordèrent sur leur envie de se débarrasser de l'image qui avait été la sienne jusqu'à présent et de repousser les limites de sa musique. « J'éprouvais le désir d'explorer et de voir jusqu'où je pouvais emmener ces chansons. J'espérais faire, au niveau sonore, quelque chose d'assez innovant ».
Pour concrétiser cette vision, Street et elle invitèrent des musiciens reconnus comme le guitariste Mark Ribot et la bassiste Meshell Ndegeocello.
« Mark est une véritable boule d'énergie, résume Peyroux qui avait déjà enregistré avec Ribot pour son premier album. « Quand il arrive en studio, il ne peut pas s'empêcher de venir avec de nouvelles idées, de nouveaux sons. Cette énergie et ce rayonnement rendent le travail très facile et très agréable ».
« Quant à Meshell, elle m'a vraiment impressionnée en se montrant disposée à jouer la même partie pendant deux heures alors qu'elle est comme Marc, débordante d'idées, elle n'hésite d'ailleurs pas à les faire valoir quand c'est nécessaire ».
Le groupe incluait également le batteur Charley Drayton, John Kirby aux claviers et le guitariste Christopher Bruce. « Tout le monde avait envie de voir ce qu'on allait donner comme groupe », souligne Peyroux. Ils eurent recours à des musiciens additionnels lorsque le besoin s'en faisait ressentir, comme le pianiste légendaire de la Nouvelles Orléans, Allen Toussaint.
Peyroux a désormais hâte de transposer ces chansons du studio à la scène, pleinement consciente que ces nouveaux morceaux passent là le plus rigoureux des tests.
« J'ai été pendant longtemps une interprète. La principale difficulté était alors de trouver un répertoire qui réponde à ces questions : m'est-il possible d'incarner le personnage de cette chanson ? Puis-je prendre part à la chanson ? Puis-je vivre cette chanson sur scène peu importe l'heure et le lieu ? »
A l'écoute de « Standing On the Rooftop », il est clair que la réponse à ces questions est un « oui » haut et fort !
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