Il n'a pas le coeur de son nom : Bertrand Pierre chante cette fois-ci autre chose, peut-être plus intimement lié à lui-même qu'auparavant avec son groupe Pow Wow. Et puisqu'il s'agit des textes de Victor Hugo, on peut dire alors intimement lié à l'universalité. Bertrand Pierre ne s'abandonne pas à Hugo, il s'en empare, il fait sienne cette chose qui nous fait nous : Des Hommes. Il nous parle d'amour avec l'ironie de son sort et on se sent moins seul. Sa musique, de corps et d'esprit, nous fait entendre que ce qu'il nous dit du sentiment amoureux, il se le redit avant tout à lui même.
Sans prétendre montrer autre chose que son âme, il pose ses pierres une à une, mêlant acoustique et électrique, il cisèle des morceaux au silex, en polit d'autres et en sort des galets doux et chaleureux. L'air de rien, si l'on suit sa route en se laissant surprendre, en glissant dans sa poche un à un les cailloux qu'il dépose, c'est la pierre philosophale dont nous percevons les reflets. Car c'est en alchimiste que Bertrand avance, dans la tradition de ceux qui cherche entre poésie et musique à nous faire entendre l'or. De l'ouverture du disque où, la voix déchirée dans l'archet du violoncelle, il chante l'impossibilité de la séparation,à sa clôture où, apaisé, il emprunte (dans autre chose ) une mélodie au peuple Lakota et dévoile un Victor Hugo à la lumière de la spiritualité sioux, il s'agit bien de la transformation d'un homme au feu des passions.
Avant d'en arriver à trouver cette paix intérieure, la traversée sera riche. Combien de fois Cyrano, échoué sur une plage brésilienne, ivre de caîpirinha, aura-t-il fait sa cours à une improbable Roxanne (Monica Passos dans Si mes vers..) ? Combien de fois aura-t-il chanté l'amour comme un ciel qui pleut et l'obsession qui éclipse tous les astres des cieux pour la moindre fleur de [sa] jupe ?
A chaque fois profondément inscrit dans des paysages, -références chères à Victor Hugo- le crooner minéral soigne ces plaies, lèche ses os et prépare sa renaissance. A l'ombre des buissons, dans l'écho nostalgique d'un mellotron tout droit sortie de la fin des sixtees, il pleure Rose. Dans les brumes d'une harmonie beatllessienne, mélangeant désirs et fièvre, il épouse la danse païenne d'une sitar (Lettre). Toujours, la nature amoureuse lui redonne la force de frotter des pierres pour faire naître le rythme (L'amant), chanter l'aube et célébrer une Sara ruisselante de jazz gitan.
Tour du monde musicale où les siècles se touchent et s'étreignent. L'électro solaire (Rosa) perce l'ombre d'un donjon où rôde le fantôme de DJ Shadow (Jeanne). Le luth arabe (Demain dès l'aube) se mèle aux moog et cors d'une ballade Shellérienne (Si vous n'avez rien à me dire).
Sa musique viscérale et veineuse nous livre un Hugo à la Sinatra, un mélange dur et tendre, entre pulsion de vie et envie de tout effacer, tout reprendre tout refaire.
Et c'est par la grâce de la voix d'Enzo Enzo qu'il nous donne toutes les caresses de ses chansons (La chose la meilleure).
Comme un guetteur, il nous offre une voix qui traverse le temps, un chant qui nous désarme.
"Puisqu'il me suffit de voir voler dans l'ombre mon chant vers l'esprit
et l'oiseau vers les cieux je ne vois pas pourquoi je ferai autre chose",
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