De la finance au monde de l’enfance : un grand écart pas si grand que ça
« Pour réussir en tant que chef d’entreprise, il faut savoir voir les obstacles comme des challenges »
D’une famille de 6 enfants, Charlotte Findeling a dû foncer pour s’imposer et trouver sa place dans cette famille nombreuse unie et solidaire. Son père, pilote de ligne, lui donne le goût des voyages et de la liberté en lui apprenant que les frontières n’existent pas. Et ces traits de caractère, cet esprit de famille et son passage à l’EDHEC, 32 ans plus tard sont le terreau dans lequel elle fait grandir son entreprise fondée il y a moins de 3 ans avec sa sœur et une associée.
Elle entre à l’EDHEC en 1999, au bout des deux ans de tronc commun, elle a envie de voir de nouveaux horizons, de perfectionner ses langues étrangères et de découvrir par la pratique professionnelle le monde de la communication pour son côté créatif et le monde de la finance. Elle décide donc d’opter pour une année de césure durant laquelle, elle fera deux longs stages de 6 mois chacun, l’un à France Telecom à Paris au service de la communication, l’autre à New York, au service finance de L’Art de vivre, entreprise spécialisée dans la vente d’articles de Luxe sur internet. Elle revient de Manhattan, totalement bilingue et riche d’une expérience culturelle et professionnelle singulière. Cette première expérience hors de nos frontières ne lui a donné qu’une envie : repartir. Elle saute donc sur l’occasion que lui offre l’EDHEC de faire sa dernière année académique en échange à l’étranger. Elle part un semestre à l’Université Ibero Americana au Mexique en Finance mais toujours avec des cours de marketing et de communication, car son cœur continue à balancer entre ces deux spécialités. Elle en revient parfaitement hispanophone et avant de rendre son mémoire enchaîne sur un stage de fin de cursus. Elle hésite entre la voie de la communication et celle de la finance, prend conseil auprès d’anciens diplômés de l’EDHEC et choisit la finance qui lui ouvre plus de portes et lui offre plus de challenges. Elle sait surtout qu’il lui sera plus facile de passer de la finance à la communication que l’inverse.
Elle enchaine sur un stage de business analyst à LVMH Londres, parfums et cosmétiques. Puis, elle est engagée comme contrôleur de gestion junior. De retour en France, elle travaille chez PWC en audit pour parfaire le côté technique de son métier. Elle rejoint le groupe LVMH, comme responsable du contrôle de gestion de la filiale Parfums et Cosmétiques Mexico, a la tête d’une équipe de 3 business analysts mexicains. Au bout de deux ans, elle souhaite rentrer en France et s'engage pour 8 mois chez Dior Couture, avenue Montaigne, comme Contrôleur Financier de la division Retail Europe-Moyen Orient-Inde-Russie.
Ses expériences multiples lui ont permis de vivre une carrière à 360 degrés, de contrôleur de gestion à auditeur financier dans les filiales et au siège. Depuis son retour de Mexico s’éveille en elle un désir de monter sa propre entreprise, attisé tous les jours un peu plus par la lenteur et l’opacité des prises de décisions des grosses structures dans lesquelles elle gravite et son envie d’être plus libre de ses mouvements. Alors quand son contrat chez Dior Couture prend fin et qu’au même moment sa sœur graphiste souhaite se mettre en free-lance, elle n’hésite pas une seconde et lui propose de s’associer dans un projet commun. Elle a alors à peine 29 ans.
En 2009, le secteur de l’enfant est en pleine explosion et très créatif. Elle se met aussitôt à chercher des fournisseurs de textile bio et part en Inde en janvier 2010 à la rencontre des ateliers qui vont fabriquer ses tapis de jeux eco-friendly. Les prototypes lui conviennent, elle revient en France pour lancer l’entreprise. Forte de sa formation très complète dispensée par l’EDHEC, elle sait comment présenter, défendre et vendre ses projets et pousse sans hésitation les portes des banques et associations diverses. Elle pense que les choses vont s’enchainer très vite, mais elle découvre rapidement qu’elle a sous-estimé la période de montage de l’entreprise. Ce qu’elle pensait faire en quelques semaines lui prendra 4 mois. Soutenue par le dispositif NACRE et les conseils de la boutique de gestion de l’Adil, qui l’aide à se poser les bonnes questions, mais surtout trouver les bonnes réponses, elle va monter son business plan, mûrir l’étude de marché, démarcher les banques pour trouver des fonds. Mais les choses ne vont pas assez vite pour cette fonceuse à qui tout réussit depuis des années. Alors pour se vendre au mieux, elle sait qu’elle doit faire ses preuves et montrer que son produit plaît. Alors, en attendant de trouver sa banque, elle dépose son capital à la Caisse des Dépôts et Consignations, obtient son numéro de Siret et va démarcher ses premiers clients. Elle retourne voir Paris Initiative et les Banques avec un carnet de commandes déjà conséquent. Elle obtient l’accord et le soutien du premier et les banques suivent aussitôt. Elles lancent ainsi DEUZ avec 35 000 euros de fonds en juin 2010.
Charlotte part deux mois en Inde en août 2010 pour lancer la première production de 800 pièces. La première collection se retrouve en boutiques en octobre et dès le mois de janvier 2011, DEUZ est en rupture de stock, victime de son succès. Marketing, droit, finance, commercial, communication, Charlotte est sur tous les fronts, mais avec des bases solides transmises par la formation variée de l’EDHEC qui lui permettent d’appréhender ses fonctions de chef d’entreprise sereinement.
Les 3 associées participent au Salon Professionnel international dédié aux univers de l'enfant, du junior et de la future maman, Playtime, où leurs produits obtiennent un accueil très positif. Mais elles découvrent en même temps qu’à quelques stands d’elles, une marque vend le même produit. En à peine 3 mois, elles se sont fait plagier. Elles attaquent la plagiaire et découvrent les dures réalités et la lenteur de la justice. Mais comme elles s’étaient parées à toute éventualité, elles avaient enregistré leurs créations à l’INPI. Elles obtiennent donc au bout de 6 mois de procédures, la reconnaissance de leur préjudice et l’obligation pour l’usurpatrice de changer dessins et modèles. De cette expérience, Charlotte en fera un cas d'école retenu par l’EDHEC pour les étudiants du Master de Droit.
Tout s’accélère rapidement. Grâce à une bourse, Charlotte part à la conquête du marché américain, puis enchaine les salons à Paris, Amsterdam à la rencontre des acheteurs de l’Europe du nord, continue à développer de nouveaux marchés, Australie, Pologne, Scandinavie et en septembre prochain participera au Salon Maison & Objet pour lequel DEUZ vient d’être sélectionné. Elle réfléchit aussi à la possibilité d’agrandir l’équipe de trois en accueillant un commercial pour faire croître l’entreprise. Dès le départ, elle ouvre son entreprise au monde, poussée par un esprit de développement international développé à l'Edhec. Car durant toute la formation de leurs étudiants, l’école les pousse à faire stages et échanges académiques à l’étranger, faisant du monde le terrain de leurs ambitions ! Vivre son entreprise ouverte sur le mondé était donc une évidence pour Charlotte. Ainsi aujourd’hui, c’est 60% de son chiffre d’affaire qui est réalisé hors de la France.
Mais début 2012, travailler seule à Paris, sa sœur et son associée étant sur Montpellier, sans une équipe, lui pèse. Elle aime être challengée par un collègue, un responsable, un pair. Elle s’inscrit alors au Club Entreprendre de l’EDHEC, pour éviter l’isolement, échanger et partager les expériences avec d’autres. Elle postule au G20 YES (Young Entrepreneur Summit) de Mexico pour s’ouvrir à d’autres cultures entrepreneuriales et débattre avec plus de 300 chefs d'entreprises de leurs problématiques communes. Elle est sélectionnée, ce qui est une vraie reconnaissance pour son parcours et celui de DEUZ et va lui permettre par ricochet de participer tout au long de l’année au Salon Planète PME, à la conférence du MEDEF, au Salon des entrepreneurs, autant d’occasions pour échanger avec des entrepreneurs.
Charlotte est ambitieuse, n’a pas froid aux yeux, n’a peur ni de mettre la barre haute, ni de la compétition. Avoir de l’ambition est pour elle un atout. Elle aime voir « les obstacles comme des challenges ». Elle sait remettre les choses en perspective pour mieux se projeter dans l’avenir et viser loin. Elle se sert chaque jour de ses expériences passées pour nourrir son projet. Elle utilise le réseau de l’EDHEC pour l’aider grâce à l’expertise et la vision de spécialistes et nourrit ses contacts pour tisser son propre réseau, sans aucun doute une de ses forces. Sa fibre entrepreneuriale ne s’est pas éveillée le jour où elle a déposé ses statuts, mais s’est développée un peu tous les jours, durant tout son parcours professionnel, en trouvant par exemple des solutions originales et audacieuses lorsqu’elle était salariée. Elle a confiance en elle, mais sait prendre des risques mesurés. Elle aime suivre son instinct qui la trompe rarement, faire les choses dans l’action et sortir des sentiers battus et du conformisme. Pour elle, être une femme entrepreneuse est un atout et elle sait en jouer. Bosseuse, elle prépare toujours à la perfection ses projets, ses présentations, est toujours au fait de tout ; elle gagne ainsi l’admiration et le respect de ces partenaires professionnels hommes ou femmes. Elle avoue quand même qu’il n’est pas toujours facile de travailler avec les pays émergents quand on est une femme. Elle subit la suspicion de ses fournisseurs, le poids de la culture.
Et travailler en famille, compliqué ? Sur le fond c’est plus simple, mais sur la forme cela reste parfois plus compliqué. Les deux sœurs ont chacune leur fonction distincte au sein de l’entreprise. Mais quelquefois sur les méthodes de travail, il y a un peu de « perso » qui se mélange. D’un côté, tout est très transparent car il y a une bonne communication entre les deux sœurs, mais de temps en temps, elles se permettent certaines libertés qu’elles ne se permettraient pas avec d’autres collègues. Travailler en famille, c’est aller beaucoup plus vite à l’essentiel car elles se connaissent par cœur, mais elle reconnait aussi qu’il faut savoir rester très professionnel et faire l’effort de mettre les formes et de se mettre au diapason d’une entreprise non familiale. Travailler en famille, c’est aussi une synergie évidente car l’on est sur la même longueur d’ondes même si on a des personnalités très différentes, ce qui fait d’ailleurs la richesse de leur duo.
Pour l’instant, les 3 associées n’ont pas pu se rémunérer. Mais à la fin de l’année, les choses vont changer et elles vont enfin se rétribuer pour ses 3 années de dur labeur. En un an et demi, DEUZ est ainsi passée de 10 à 100 boutiques de distribution. Maintenant, Charlotte souhaite donner à son entreprise les moyens de se développer et s’interroge sur la possibilité d’ouvrir son entreprise aux investisseurs pour faire décoller la marque.
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